Malgré une passion croissante pour le basketball chez les jeunes Béninois, ce sport peine à se structurer durablement. Manque d’infrastructures, faible visibilité, absence de moyens : les défis sont nombreux. Nous avons rencontré Nathanaël Alofa et Loriaux Djagba, deux activistes engagés pour le développement du basket au Bénin, qui nous livrent un état des lieux sans filtre.
JJ : En premier lieu, présentez-vous, s’il vous plaît!
NA : Je suis Nathanaël Alofa, 39 ans, ancien joueur, coach de jeunes catégories et organisateur de tournois.
LD : Je m’appelle Loriaux Djagba, journaliste de formation et expert en crĂ©ation de contenu. Je suis le CEO d’une agence de communication appelĂ©e Wings Digital Empire, ainsi que le fondateur du mĂ©dia ID Shooter
JJ : Parlez-nous du tournoi Street Game 229 ?
NA : Le tournoi Street Game 229 est avant tout une idée d’Arafat Tabe, ancien joueur vivant en France. Chaque été, il a eu l’idée de rassembler les jeunes autour d’un tournoi. Comme son nom l’indique, ce tournoi se veut plus festif, convivial, et tourné vers le « street basket ».
C’est l’occasion pour des équipes qui se sont affrontées durant l’année de se retrouver dans un format différent. L’une des règles principales est qu’une équipe ne peut pas compter plus de cinq joueurs ayant participé au championnat national, ce qui permet un mélange intéressant entre joueurs de différents clubs.
Personnellement, j’ai rejoint le tournoi dès la première édition, un peu par hasard. Arafat avait lancé son tournoi, et en regardant dans le public, je me suis approché de lui pour lui demander en quoi je pouvais aider, et ce qu’on pouvait faire pour améliorer le tournoi.
Avec Mano (Emmanuelle Kloussé), aujourd’hui, c’est devenu un tournoi de référence au Bénin chaque été. Tout le monde attend avec impatience le grand jour chaque année.
JJ : Parlez-nous d’ID Shooter.
LD : ID Shooter est un média entièrement dédié au basketball, que mon équipe et moi avons créé avec l’ambition de diffuser la bonne nouvelle du basket à travers l’Afrique et de révéler au monde ce qui se passe sur le continent. Nous n’existons que depuis deux ans, mais grâce au travail acharné de toute l’équipe, nous sommes déjà l’une des plateformes basket les plus suivies en Afrique francophone. Notre objectif est simple : continuer à faire ce que nous aimons et grandir.
JJ : Comment le basket-ball est-il perçu au Bénin, quand on sait à quel point le football y est mis en avant ?
NA : Avec l’arrivĂ©e du PrĂ©sident Talon et sous l’impulsion du bureau actuel de la FĂ©dĂ©ration, le basketball bĂ©ninois a connu une mĂ©tamorphose remarquable, marquĂ©e par la professionnalisation de la discipline. Aujourd’hui, il est possible de suivre chaque week-end des matchs de la Ligue Pro sur l’ensemble du territoire national. Des phases finales sont Ă©galement organisĂ©es rĂ©gulièrement pour les divisions amateurs (D2) ainsi que pour les petites catĂ©gories. Sur le plan international, le BĂ©nin a commencĂ© Ă participer aux tournois de la sous-rĂ©gion et figure parmi les leaders africains dans la discipline du 3×3.
LD : Le basketball est clairement relégué au second plan. En tant que créateur de contenu, je ressens directement ce désintérêt : un contenu sur le basketball béninois touche très peu de monde. J’ai d’ailleurs l’habitude de dire que le basketball béninois ne dispose pas encore d’une véritable communauté. Le football reste le sport numéro un pour la majorité des Béninois, et même au niveau gouvernemental, toutes les priorités vont dans ce sens. Malgré les efforts de la Fédération Béninoise de Basketball et des passionnés, on constate qu’il y a encore très peu de personnes qui se tournent vers ce sport.
JJ : Quelle place occupe le basket béninois dans les médias locaux ?
NA : Aujourd’hui nous sommes tout heureux de voir que certains matchs sont retransmis en direct et beaucoup de mĂ©dias relatent tous les Ă©vĂ©nements basket du pays( du championnat scolaire Ă la ligue Pro) . Surtout avec le dĂ©veloppement des mĂ©dias en ligne l’information
LD : Il faut dire que le football reste la priorité des médias traditionnels locaux. À titre d’exemple, pour une compétition de football, la chaîne nationale peut mobiliser toute une équipe pour une couverture complète, alors que pour le basketball, c’est extrêmement rare. Du côté des chaînes privées, peu parlent de basketball, ou alors de manière très superficielle, juste pour annoncer une compétition. C’est pourquoi je tiens à saluer les efforts de la Fédération, qui a tout de même réussi à pousser la télévision nationale à couvrir la dernière Nation Youth League à Porto-Novo en 2025.
JJ: Comment les Béninois perçoivent-ils la NBA ? Et surtout, est-il possible de la suivre au Bénin ?
NA : La NBA c’est le rĂŞve d’enfance de chaque basketteur bĂ©ninois. Ça Ă©tĂ© aussi mon rĂŞve un jour. C’est la crème de la crème du basketball mondial.Moi j’ai suivis mon 1er match NBA en 2002 avec une une cassette VHF.Mais aujourd’hui la NBA se suit partout dans le pays.
LD : Cela va peut-être vous étonner, mais les Béninois regardent la NBA bien plus que leur propre championnat national. Pour beaucoup, la NBA représente l’élite du basket mondial, et certains en viennent même à boycotter les compétitions locales au profit de cette ligue. Pour suivre la NBA, il y a bien sûr l’option Canal+, que beaucoup ont adoptée, mais ces dernières années, ce sont surtout les vidéos de highlights sur YouTube qui ont pris le dessus.
JJ : Existe-t-il suffisamment d’infrastructures pour permettre la pratique du basket dans de bonnes conditions ?
NA : Je peux aisĂ©ment dire oui Ă cause de la rĂ©partition spatiale de ses infrastructures. Et beaucoup d’effort sont faits en ce sens ces dernières annĂ©es avec la construction en moins de 5 ans de 22 stades omnisports dans le pays. DĂ©jĂ j’ai eu la chance de parcourir le pays et je fais un dĂ©nombrement des terrains de basketball depuis 10 ans tout en rĂ©actualisant mes rĂ©sultats Ă chaque voyage. Le hic est que c’est infrastructures dĂ©jĂ existantes ne sont pas tous dans les normes rĂ©glementaires ce qui empĂŞche la pratique dans de bonnes conditions de la discipline.
LD : À cette question, je dirais non. Nous n’avons pas suffisamment de terrains, et ceux qui existent sont souvent vétustes, mal entretenus ou simplement inaccessibles. Très peu peuvent être qualifiés de modernes. N’oublions pas qu’aujourd’hui, le défi pour chaque pays est de disposer d’une aréna capable d’accueillir de grandes compétitions internationales. Et pour le moment, le Bénin en est encore très loin.
Cliquer sur le lien pour -> Trouver un terrain au Bénin (en cours)
JJ : Comment se passe la formation des jeunes joueurs au Bénin ? Y a-t-il des centres ou académies bien structurés ?
NA : Au Bénin les jeunes joueurs sont le fruit du sacrifice quotidien des coachs et de certains dirigeants qui ont compris que la formation à la base est fondamentale. Des académies sont en gestation dans tout le pays sans pour autant être encore bien structurées…
LD : Il existe certes des académies et centres de formation, mais ils sont très peu nombreux et souvent mal organisés. Le manque de moyens est un frein majeur, ce qui rend les conditions de formation très compliquées. Un autre problème, c’est le manque de collaboration entre les encadreurs : beaucoup préfèrent travailler seuls, chacun voulant être reconnu comme celui qui a découvert une pépite. Ce manque d’unité nuit clairement à la structuration et à l’évolution de la formation au Bénin.
JJ: Les joueurs béninois ont-ils des opportunités de se faire repérer à l’étranger ?
NA : Oui, bien sûr, et même de plus en plus. En dehors de ceux qui sont nés ou ont grandi à l’étranger et qui ont eu la chance d’évoluer dans de bonnes ligues, notamment en France, certains joueurs formés localement ont également pu saisir des opportunités à l’international.
Parmi les plus anciens, on peut citer Isabelle Yacoubou chez les dames, ou encore Mouphtaou Yarou chez les hommes. Aujourd’hui, une nouvelle gĂ©nĂ©ration commence Ă Ă©merger. Par exemple, Bio Chabi Yo Souleymane Ă©volue actuellement en Espagne, tout comme Ursulo d’Almeida. D’autres joueurs bĂ©ninois Ă©voluent Ă©galement aux Philippines.
Certains jeunes ont intégré l’académie NBA au Sénégal, et d’autres font partie du système scolaire et sportif américain. On compte aussi quelques joueurs du côté de la Russie et au moins trois en France.
Donc oui, les opportunités existent, mais il faut les saisir, être bien accompagné, et bénéficier d’un bon encadrement pour réussir à franchir les étapes.
LD : Il est malheureusement très rare de voir un talent béninois s’exporter à l’étranger. Ce qui me peine particulièrement, c’est qu’en près de six ans d’existence de la Basketball Africa League (BAL), aucun club ni joueur béninois n’y a encore participé.
Cela s’explique en partie par le niveau de jeu qui reste globalement faible. Les joueurs ont donc leur part de responsabilité, mais les médias aussi, car ils ne valorisent pas suffisamment les talents locaux à l’international.
Cela dit, il faut saluer les efforts de certains coachs comme Ahmed Taofik ou encore Oswald d’Énergie BBC, qui ont mis en place des tremplins permettant à quelques jeunes de tenter leur chance aux États-Unis ou en Europe.
JJ : Pensez-vous que la nouvelle génération de basketteurs béninois peut apporter un plus au sport et à la jeunesse?
NA : Oui, absolument. Cette nouvelle génération de basketteurs béninois bénéficie d’avantages que les précédentes n’avaient pas. Aujourd’hui, les jeunes ont l’opportunité de suivre un parcours complet : ils passent par les catégories cadets, juniors, avant d’atteindre le niveau senior.
Par exemple, récemment, certains ont pu participer aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique U16. Cela leur donne le temps nécessaire pour apprendre, se former, et progresser avant d’arriver en senior.
D’ici à ce qu’ils atteignent le haut niveau, la Ligue Pro béninoise aura elle aussi évolué. Elle en est encore à ses débuts, mais chaque année, on observe des améliorations et un certain perfectionnement.
Ces jeunes auront donc la chance d’évoluer dans un championnat plus structuré, plus compétitif, et mieux encadré. Je pense sincèrement qu’ils disposeront de plus de moyens et d’outils pour faire avancer le basket béninois et inspirer la jeunesse.
LD : Oui, bien sûr ! En réalité, notre génération a un peu faussé certaines bases, donc maintenant, on mise tout sur l’avenir. On mise sur ces jeunes en leur offrant toute l’attention et l’encadrement nécessaires pour rehausser le niveau du basketball béninois.
JJ : Y a-t-il de nouveaux phénomènes au Bénin qui pourraient un jour rejoindre la NBA ?
NA : Ah oui, clairement ! En ce moment, l’attraction principale, c’est Tunde Yessoufou. Il évolue déjà en NCAA, et on l’attend sérieusement pour la draft NBA dès l’année prochaine. Je ne donnerai pas ma main à couper, mais je suis plus que convaincu qu’on le verra très bientôt en NBA.
À côté de lui, il y a aussi un jeune prodige très prometteur. Je préfère ne pas dévoiler son nom pour le moment, car sa famille a choisi de rester discrète pour l’instant. Mais croyez-moi, ça avance bien pour lui aussi.
LD : Oui, Toundé Yessoufou en fait partie. Comme je le mentionnais tout à l’heure à propos du programme du coach Oswald pour les États-Unis, Toundé est l’un des bénéficiaires de ce dispositif. Il est actuellement à l’université de Baylor, et il est très probable qu’il intègre la NBA un jour.
JJ : Les entraîneurs ont-ils accès à des formations continues ou à des certifications ?
NA : Oui, il existe des formations continues et des certifications pour les entraîneurs, mais leur fréquence reste encore trop faible. Il faudrait qu’elles soient organisées de manière plus régulière afin de permettre aux coachs de se perfectionner, de mettre à jour leurs connaissances et de mieux encadrer les joueurs. Aujourd’hui, on remarque que certains entraîneurs ne maîtrisent pas bien les règlements ou les systèmes de jeu. C’est pourquoi ces formations doivent être renforcées et accessibles sur tout le territoire pour faire progresser le niveau global de l’encadrement.
LD : La Fédération béninoise organise régulièrement des sessions de formation, sanctionnées par des attestations, pour former les coachs. Généralement, des experts et entraîneurs de renom sont invités pour encadrer ces formations destinées aux entraîneurs locaux.
JJ : Comment sont organisés les championnats au Bénin ?
NA : Au Bénin, les championnats sont organisés par catégories. Il y a d’abord le championnat des petites catégories. Ensuite, on a la Division 2, qu’on appelle aussi le championnat amateur, destiné aux seniors qui ne jouent pas en Ligue Pro.
Puis, il y a la Yuzu Ligue Pro, qui regroupe des équipes capables de payer leurs joueurs et d’avoir un staff complet : coach, assistants, médecin, kinésithérapeutes, tout ce qu’il faut autour d’une équipe, ainsi qu’un terrain adapté.
La Ligue Pro débute par des matchs de conférences : les équipes du Nord s’affrontent entre elles, de même que celles du Sud. Ensuite, les trois meilleures équipes de chaque conférence se retrouvent pour disputer un Final Six. Après cette phase, les quatre meilleures (final four), chez les hommes comme chez les femmes, s’affrontent en demi-finales avant la grande finale.
C’est une nouveauté pour cette année. Les années précédentes, après la phase de conférence, seuls les deux meilleurs de chaque conférence se qualifiaient directement pour les demi-finales. Le premier de la conférence Sud jouait contre le deuxième de la conférence Nord, et inversement.
Enfin, ce championnat se joue à la fois chez les hommes et les femmes, avec une volonté d’égalité et de développement des deux compétitions.
LD : La FBBB a mis en place un comité de gestion pour la ligue professionnelle, appelée aussi Youzou League Pro. Ensuite, il y a le championnat amateur, ainsi que les ligues régionales. Sachez que le basketball est encouragé autant chez les hommes que chez les dames, il y a d’ailleurs une certaine parité.
JJ : Que pensez-vous du niveau des championnats nationaux, masculins et féminins ?
NA : Non, le niveau des championnats nationaux masculins et féminins correspond au niveau actuel de notre championnat. Je ne sais pas avec quel autre championnat je pourrais comparer le nôtre, mais le niveau est modeste. Il y a encore beaucoup de travail à faire.
LD : Le niveau est très faible, je le souligne à chaque fois. La preuve, chaque fois que nos clubs participent à des compétitions à l’étranger, ils enchaînent uniquement des défaites.
JJ : Trouvez-vous des inconvénients concernant ces championnats ? Si oui, voyez-vous des solutions pour mieux les développer ?
NA : Des inconvénients ? Oui, au niveau de l’organisation. L’organisation de la fédération concernant les championnats doit être établie avant le début de la saison. Cette année, on assiste à des ajustements constants du calendrier des championnats. Parfois, il y a des compétitions internationales qui tombent en même temps et le championnat est suspendu. Il est suspendu une ou deux semaines, ou un ou deux week-ends, puis reprend. Il faudrait que le travail soit fait de manière à ce que les équipes, les supporters et les joueurs sachent précisément quand il n’y aura pas de championnat. Ce serait mieux d’organiser cela à l’avance.
Aujourd’hui, on assiste à un championnat qui va jusqu’en août, ce qui est inédit. D’habitude, le championnat se termine en juillet. Là , il continue jusqu’en août. On verra ce que cela va donner.
Mes solutions :
Comme je l’ai dit, il faut mieux organiser le calendrier. À part cela, tel qu’il est présenté aujourd’hui, le championnat est très bien, car les joueurs ont plus de matchs. Avant, ce n’était pas le cas : on regroupait les équipes, on sélectionnait les meilleures de chaque département, et elles se rencontraient. En une semaine, c’était terminé. Mais aujourd’hui, le championnat s’étale sur plusieurs jours, semaines et mois. C’est très intéressant.
LD : Oui, clairement. Les terrains sont souvent en mauvais état et les financements tardent à arriver. Pour progresser, il est essentiel de structurer correctement les saisons, d’améliorer les infrastructures, et surtout de mettre en place une vraie stratégie de suivi et de développement durable du basketball.
JJ : Comment jugez-vous l’implication des autoritĂ©s sportives bĂ©ninoise dans la structuration du basket ?
NA : Le ministère des Sports est vraiment impliqué dans la discipline qu’est le basket. Cela se voit notamment à travers la subvention que la Fédération béninoise de basket reçoit chaque année, par exemple du ministère. Même dans les différentes organisations, le ministère est bien impliqué. On sent qu’il y a une synergie, un travail coordonné entre la Fédération de basket, le ministère et le Conseil national olympique et sportif. On ressent vraiment une implication sérieuse des autorités sportives du pays dans la gestion du basket.
LD : Honnêtement, c’est encore trop faible. Il n’y a pas assez de soutien concret. On sent bien que le basket ne fait pas partie des priorités, même si des efforts sont faits ici et là . Le pays a besoin d’une vraie politique sportive autour de ce sport.
JJ : Comment évolue la sélection nationale du Bénin ? Quels sont les enjeux de la fédération pour le Basket-Ball ?‌
NA : À ce jour, beaucoup de travaux sont en cours pour mettre en place cette sélection nationale. J’avoue qu’avec la nomination du nouveau coach Xavier, la sélection masculine est déjà active. Elle joue des matchs amicaux, organise des rencontres au pays, des camps et des regroupements. Du côté masculin, ça bouge beaucoup. Du côté féminin, ce n’est pas encore tout à fait le cas. En ce qui concerne les petites catégories, comme les U16, l’équipe nationale est bien constituée. Pour les autres catégories, notamment les U21, il y a également beaucoup de regroupements qui se font pendant les congés, pendant les vacances scolaires. Donc un travail est en cours pour que la sélection nationale, surtout senior, soit pleinement opérationnelle. Pour le moment, elle n’est pas encore assez structurée pour évoluer pleinement dans les championnats africains ou ouest-africains.
Les enjeux ! Ils sont énormes. De la formation des joueurs à celle des coachs, jusqu’à la mise en place d’une sélection nationale solide, c’est un travail de fond. Depuis l’arrivée du Président actuel de la Fédération et de son équipe, on observe une nette amélioration par rapport aux années précédentes. Les lignes bougent réellement. Ce n’est plus comme il y a 10 ou 15 ans. Aujourd’hui, les choses sont mieux structurées et le travail effectué est beaucoup plus visible. À chaque événement de basketball organisé dans le pays, on sent l’implication forte de la Fédération. Donc oui, les enjeux sont de taille.
LD : Honnêtement, c’est encore trop faible. Il n’y a pas assez de soutien concret. On sent bien que le basket ne fait pas partie des priorités, même si des efforts sont faits ici et là . Le pays a besoin d’une vraie politique sportive dédiée à ce sport.
JJ : Quels sont selon vous les principaux freins au développement du basket dans le pays ?
NA : Pour moi, le principal frein au développement du basketball au Bénin, ce sont… les humains. Nous-mêmes. Ce sont les conflits internes, les problèmes de personnes. Ces querelles ralentissent la dynamique. Pour que le basketball avance vraiment, il faut que tous les fils et filles du pays passionnés par ce sport se rassemblent et unissent leurs efforts. Quand quelqu’un pose une pierre, un autre devrait venir en ajouter une. Mais aujourd’hui, c’est difficile de voir tout le monde œuvrer dans le même sens. Le vrai blocage, selon moi, c’est le manque d’unité.
LD : Je dirais que le basketball au Bénin fait face à plusieurs freins. Il n’y a pas assez de terrains de qualité pour permettre une pratique régulière et sécurisée. Le manque de moyens financiers freine aussi le développement des clubs, des infrastructures et des compétitions. À cela s’ajoute l’absence d’une vraie médiatisation du sport, ce qui limite sa visibilité et son attractivité. On observe également trop de divisions entre les acteurs du milieu, ce qui nuit à la cohésion nécessaire pour avancer ensemble. Enfin, il manque une vision claire avec des plans à long terme pour structurer durablement la discipline.
JJ : Quelles seraient, selon vous, les premières mesures à prendre pour relancer durablement le basket au Bénin ?
NA : Des mesures sont déjà en place, c’est vrai. Mais selon moi, on peut encore aller plus loin pour relancer durablement le basketball. Il faudrait d’abord introduire le basket dès l’école primaire. Aujourd’hui, grâce aux classes sportives, les enfants commencent à pratiquer au collège (6e, 5e, 4e), ce qui est très positif. Mais plus l’enfant est en contact tôt avec le basket, plus il a de chances de bien apprendre les bases et de développer une vraie passion. Ce serait un vrai coup de pouce pour la relève.
Ensuite, les championnats des petites catégories ont bien évolué cette année. Avant, c’était souvent un simple regroupement pendant les vacances, avec un ou deux matchs. Aujourd’hui, on voit de vraies compétitions organisées régulièrement le week-end. Il faut poursuivre dans cette voie, et même multiplier les matchs. Plus les jeunes jouent, plus ils progressent et s’engagent.
Par contre, il reste un vrai défi au niveau des infrastructures. On a plusieurs terrains dans le pays, mais peu sont aux normes. Il n’existe pas de gymnase couvert en bon état. Ceux qui existaient sont très dégradés, et celui encore utilisé fonctionne dans des conditions très difficiles. Il est urgent de disposer d’un terrain couvert — pas forcément une grande salle — mais au moins un gymnase fonctionnel, protégé des intempéries.
Enfin, il est essentiel d’intensifier la formation et la certification des coachs. De bons entraîneurs, bien formés, sont indispensables pour faire progresser techniquement nos jeunes.
LD : Pour relancer durablement le basketball, plusieurs actions sont essentielles. Il faut d’abord impliquer les entreprises locales ainsi que la diaspora dans le financement du sport. Ensuite, il est important de construire de bons terrains dans plusieurs villes pour permettre une pratique de qualité. Il est aussi nécessaire de mettre en place un championnat structuré et régulier, qui garantisse un bon niveau de compétition. La formation des coachs, tant sur le plan local qu’à l’étranger, est également une priorité. Enfin, le basketball doit être mieux valorisé à travers les médias et les réseaux sociaux afin de renforcer sa visibilité et susciter l’engouement du public.
JJ : Comment attirer des sponsors ou partenaires privés vers ce sport ?
NA : Je pense que cela se fait déjà , en partie. Dans le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) pour le secteur du sport, il existe une mesure intéressante : lorsqu’une entreprise, qu’elle soit privée ou publique, soutient un club ou une équipe, elle bénéficie d’allègements fiscaux, notamment des réductions d’impôts. Ce sont des incitations importantes pour attirer les sponsors vers le sport.
Aujourd’hui, on constate d’ailleurs que la majorité des clubs au Bénin sont soutenus par des sociétés privées ou publiques. C’est une avancée notable.
Mais au-delà du soutien financier, il faut que cela soit visible. Par exemple, les logos des sponsors devraient apparaître sur les maillots, sur les supports de communication, etc. C’est ce genre de visibilité qui peut inciter d’autres entreprises à s’impliquer.
Enfin, il faut améliorer la communication autour des clubs et des compétitions. Plus les sponsors verront qu’il y a une bonne visibilité, des retombées médiatiques et un public engagé, plus ils auront envie d’investir.

JJ : De nombreux Français d’origine béninoise ont porté les couleurs de l’équipe de France ou évolué au plus haut niveau en Europe, comme Éric Micoud, Ian Mahinmi, Isabelle Yacoubou, les frères Ayayi ou encore leur sœur Valériane Ayayi. Ces figures sont-elles perçues comme des modèles ou des sources d’inspiration pour la jeunesse béninoise ?
NA : Isabelle Yacoubou et Ian Mahinmi sont, parmi les noms que tu m’as envoyés, les figures les plus influentes. Ce sont de vrais modèles pour la jeunesse béninoise. Isabelle Yacoubou, en particulier, est une immense source d’inspiration, surtout pour les jeunes filles. Aujourd’hui, au Bénin, il est difficile de trouver une jeune basketteuse qui ne connaît pas Isabelle. Elle est un véritable monument du basketball béninois, une référence incontournable.
Ian Mahinmi aussi est un modèle fort. Il a marqué les esprits, notamment avec sa bague de champion NBA. C’est une grande source de motivation pour les jeunes.
Par contre, j’expliquais aussi que les autres noms comme Éric Micoud ou les frères Ayayi sont moins connus. Beaucoup de jeunes ne les identifient pas vraiment.
LD : Bien sûr, des joueurs comme Mahinmi, Micoud, Yacoubou ou les Ayayi sont une vraie source de motivation. Le problème, c’est que leurs parcours ne sont pas assez connus ici. Il faudrait mieux raconter leurs histoires, les mettre en lumière pour que les jeunes se disent : « Moi aussi, je peux y arriver ».
JJ : En France, le joueur béninois le plus emblématique pour le grand public reste sans doute Mouphtaou Yarou, un pivot dominant passé par le cursus universitaire américain avant de briller en Pro A. Quelle image laisse-t-il au Bénin et joue-t-il un rôle auprès des jeunes basketteurs béninois ?
NA : Ce n’est pas parce que c’est un ami d’enfance ou un proche, mais je dirais que Mouff est aujourd’hui la figure masculine du basket béninois à l’intérieur du pays. Il fait énormément, même s’il n’aime pas trop qu’on parle de ses actions. Je ne vais pas trahir ses secrets, mais il joue un rôle très important auprès des jeunes.
Depuis des années, il organise des tournois et des camps, notamment dans le nord du pays. Et dans quelques jours, il organise un colloque pour réunir les jeunes joueurs professionnels, afin de discuter de leur carrière et surtout de l’après-basket.
LD : C’est une figure importante. Il a réussi à se faire une place en Europe. Cependant, son image n’est pas assez valorisée au Bénin. Il pourrait jouer un rôle de mentor, un modèle inspirant, ce qui donnerait un véritable coup de boost aux jeunes basketteurs.
JJ : Comment la diaspora béninoise et africaine peut-elle aider au développement du basket local ?
NA : La diaspora peut aider de plusieurs façons : en continuant Ă organiser des camps, en apportant leur expertise, en organisant des tournois, en envoyant des coachs, des kinĂ©s et d’autres professionnels qui viendront au pays pour former les jeunes et partager leur vĂ©cu. Il est important que les coachs, les jeunes et les dirigeants locaux entendent d’autres expĂ©riences, d’autres mĂ©thodes, afin de comparer et de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, notamment dans des pays comme la France oĂą le basketball est très dĂ©veloppĂ©. La diaspora bĂ©ninoise a tout intĂ©rĂŞt Ă s’impliquer davantage pour contribuer au dĂ©veloppement du basketball local.
LD : Elle peut jouer un rôle majeur : en apportant du matériel, en finançant des projets, ou encore en créant des passerelles entre le Bénin et l’étranger. Avec un réseau bien structuré, les talents locaux pourraient accéder à de réelles opportunités à l’international.

JJ : Un message à faire passer aux jeunes passionnés de basket au Bénin ?
NA : C’est le moment de ne pas abandonner. C’est le moment de beaucoup travailler. Aujourd’hui, ils ont de la chance : le gouvernement soutient leurs efforts, la fédération aussi. Tout est mis en place pour qu’ils soient dans de bonnes conditions. Alors, je leur dirais de travailler, de ne rien lâcher. De travailler dur, avec passion, avec rigueur. Car le travail finit toujours par porter ses fruits.
LD : Ne lâchez rien. Même si les conditions sont difficiles, continuez à travailler, à rêver, à vous entraîner. L’avenir du basket béninois est entre vos mains.
Le basket au Bénin peut devenir grand, mais cela demandera du travail, de la passion et de l’unité. Si on se donne les moyens, rien ne pourra nous arrêter.
JJ : Le 3X3 est une nouvelle discipline olympique. Comment évolue le 3X3 sur le territoire béninois ?
NA : Ah oui, on peut fièrement dire que le 3 contre 3 occupe une place de choix au BĂ©nin. Le pays est aujourd’hui l’une des toutes premières nations africaines dans le classement FIBA 3×3, aussi bien chez les hommes que chez les dames. Ă€ un moment, nous Ă©tions deuxièmes, mais selon le dernier classement, nous occupons dĂ©sormais la première place au classement combinĂ©.
Le 3 contre 3 a connu une croissance rapide grâce à l’organisation de plusieurs tournois sur le territoire national, ainsi qu’à la participation de nos équipes — toutes catégories confondues — aux Lite Quests, aux Challengers, et à d’autres compétitions en Afrique et en Europe.
L’objectif du Bénin aujourd’hui, c’est clairement de se qualifier pour les prochains Jeux Olympiques. Nous avons une très belle équipe en 3 contre 3, tant chez les dames que chez les hommes, et dans presque toutes les catégories. Franchement, je suis convaincu que le Bénin ne va pas s’arrêter là : le niveau va continuer à grimper.
LD : C’est une belle opportunitĂ© pour le pays, car cette discipline demande moins de moyens que le basketball classique. D’ailleurs, le BĂ©nin occupe depuis dĂ©jĂ 2 ans la première place au ranking FIBA en Afrique. Au niveau local, il y a quelques tournois et des jeunes qui s’y mettent, mais il manque une vraie ligue et des compĂ©titions rĂ©gulières. Bien encadrĂ©, le 3×3 peut devenir un vĂ©ritable tremplin pour le basket bĂ©ninois.
JJ : Si vous étiez un son, lequel seriez-vous ?
NA : Apprendre Ă pardonner de Singuila.
LD : Youssoupha, pour la puissance des rimes et la promesse d’une renaissance de l’Afrique.
JJ : Quel sera pour vous le mot de la fin ?
NA : Merci Jimmy Jay pour l’initiative, et surtout merci pour tout ce que tu fais.
LD : Le basket béninois n’a pas besoin d’une révolution, mais d’une renaissance. Une renaissance portée par la jeunesse, soutenue par des visionnaires, nourrie par un rêve africain plus grand que les statistiques. Nous n’avons pas encore marqué… mais le match est loin d’être terminé.

