BASKETBALL INTERVIEW SPORT

Basketball au BĂ©nin 🇧🇯 : Entretien croisĂ© avec deux activistes engagĂ©s, NathanaĂ«l ALOFA et Loriaux DJAGBA !

MalgrĂ© une passion croissante pour le basketball chez les jeunes BĂ©ninois, ce sport peine Ă  se structurer durablement. Manque d’infrastructures, faible visibilitĂ©, absence de moyens : les dĂ©fis sont nombreux. Nous avons rencontrĂ© NathanaĂ«l Alofa et Loriaux Djagba, deux activistes engagĂ©s pour le dĂ©veloppement du basket au BĂ©nin, qui nous livrent un Ă©tat des lieux sans filtre.

JJ : En premier lieu, prĂ©sentez-vous, s’il vous plaĂźt!

NA : Je suis Nathanaël Alofa, 39 ans, ancien joueur, coach de jeunes catégories et organisateur de tournois.

LD : Je m’appelle Loriaux Djagba, journaliste de formation et expert en crĂ©ation de contenu. Je suis le CEO d’une agence de communication appelĂ©e Wings Digital Empire, ainsi que le fondateur du mĂ©dia ID Shooter

JJ : Parlez-nous du tournoi Street Game 229 ?

NA : Le tournoi Street Game 229 est avant tout une idĂ©e d’Arafat Tabe, ancien joueur vivant en France. Chaque Ă©tĂ©, il a eu l’idĂ©e de rassembler les jeunes autour d’un tournoi. Comme son nom l’indique, ce tournoi se veut plus festif, convivial, et tournĂ© vers le « street basket ».

C’est l’occasion pour des Ă©quipes qui se sont affrontĂ©es durant l’annĂ©e de se retrouver dans un format diffĂ©rent. L’une des rĂšgles principales est qu’une Ă©quipe ne peut pas compter plus de cinq joueurs ayant participĂ© au championnat national, ce qui permet un mĂ©lange intĂ©ressant entre joueurs de diffĂ©rents clubs.

Personnellement, j’ai rejoint le tournoi dĂšs la premiĂšre Ă©dition, un peu par hasard. Arafat avait lancĂ© son tournoi, et en regardant dans le public, je me suis approchĂ© de lui pour lui demander en quoi je pouvais aider, et ce qu’on pouvait faire pour amĂ©liorer le tournoi.

Avec Mano (Emmanuelle KloussĂ©), aujourd’hui, c’est devenu un tournoi de rĂ©fĂ©rence au BĂ©nin chaque Ă©tĂ©. Tout le monde attend avec impatience le grand jour chaque annĂ©e.

JJ : Parlez-nous d’ID Shooter.

LD : ID Shooter est un mĂ©dia entiĂšrement dĂ©diĂ© au basketball, que mon Ă©quipe et moi avons créé avec l’ambition de diffuser la bonne nouvelle du basket Ă  travers l’Afrique et de rĂ©vĂ©ler au monde ce qui se passe sur le continent. Nous n’existons que depuis deux ans, mais grĂące au travail acharnĂ© de toute l’équipe, nous sommes dĂ©jĂ  l’une des plateformes basket les plus suivies en Afrique francophone. Notre objectif est simple : continuer Ă  faire ce que nous aimons et grandir.

JJ : Comment le basket-ball est-il perçu au Bénin, quand on sait à quel point le football y est mis en avant ?

NA : Avec l’arrivĂ©e du PrĂ©sident Talon et sous l’impulsion du bureau actuel de la FĂ©dĂ©ration, le basketball bĂ©ninois a connu une mĂ©tamorphose remarquable, marquĂ©e par la professionnalisation de la discipline. Aujourd’hui, il est possible de suivre chaque week-end des matchs de la Ligue Pro sur l’ensemble du territoire national. Des phases finales sont Ă©galement organisĂ©es rĂ©guliĂšrement pour les divisions amateurs (D2) ainsi que pour les petites catĂ©gories. Sur le plan international, le BĂ©nin a commencĂ© Ă  participer aux tournois de la sous-rĂ©gion et figure parmi les leaders africains dans la discipline du 3×3.

LD : Le basketball est clairement relĂ©guĂ© au second plan. En tant que crĂ©ateur de contenu, je ressens directement ce dĂ©sintĂ©rĂȘt : un contenu sur le basketball bĂ©ninois touche trĂšs peu de monde. J’ai d’ailleurs l’habitude de dire que le basketball bĂ©ninois ne dispose pas encore d’une vĂ©ritable communautĂ©. Le football reste le sport numĂ©ro un pour la majoritĂ© des BĂ©ninois, et mĂȘme au niveau gouvernemental, toutes les prioritĂ©s vont dans ce sens. MalgrĂ© les efforts de la FĂ©dĂ©ration BĂ©ninoise de Basketball et des passionnĂ©s, on constate qu’il y a encore trĂšs peu de personnes qui se tournent vers ce sport.

JJ : Quelle place occupe le basket béninois dans les médias locaux ?

NA : Aujourd’hui nous sommes tout heureux de voir que certains matchs sont retransmis en direct et beaucoup de mĂ©dias relatent tous les Ă©vĂ©nements basket du pays( du championnat scolaire Ă  la ligue Pro) . Surtout avec le dĂ©veloppement des mĂ©dias en ligne l’information

LD : Il faut dire que le football reste la prioritĂ© des mĂ©dias traditionnels locaux. À titre d’exemple, pour une compĂ©tition de football, la chaĂźne nationale peut mobiliser toute une Ă©quipe pour une couverture complĂšte, alors que pour le basketball, c’est extrĂȘmement rare. Du cĂŽtĂ© des chaĂźnes privĂ©es, peu parlent de basketball, ou alors de maniĂšre trĂšs superficielle, juste pour annoncer une compĂ©tition. C’est pourquoi je tiens Ă  saluer les efforts de la FĂ©dĂ©ration, qui a tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă  pousser la tĂ©lĂ©vision nationale Ă  couvrir la derniĂšre Nation Youth League Ă  Porto-Novo en 2025.

Rui Hachimura, le joueur bénino-japonais

JJ: Comment les Béninois perçoivent-ils la NBA ? Et surtout, est-il possible de la suivre au Bénin ?

NA : La NBA c’est le rĂȘve d’enfance de chaque basketteur bĂ©ninois. Ça Ă©tĂ© aussi mon rĂȘve un jour. C’est la crĂšme de la crĂšme du basketball mondial.Moi j’ai suivis mon 1er match NBA en 2002 avec une une cassette VHF.Mais aujourd’hui la NBA se suit partout dans le pays.

LD : Cela va peut-ĂȘtre vous Ă©tonner, mais les BĂ©ninois regardent la NBA bien plus que leur propre championnat national. Pour beaucoup, la NBA reprĂ©sente l’élite du basket mondial, et certains en viennent mĂȘme Ă  boycotter les compĂ©titions locales au profit de cette ligue. Pour suivre la NBA, il y a bien sĂ»r l’option Canal+, que beaucoup ont adoptĂ©e, mais ces derniĂšres annĂ©es, ce sont surtout les vidĂ©os de highlights sur YouTube qui ont pris le dessus.

JJ : Existe-t-il suffisamment d’infrastructures pour permettre la pratique du basket dans de bonnes conditions ?

NA : Je peux aisĂ©ment dire oui Ă  cause de la rĂ©partition spatiale de ses infrastructures. Et beaucoup d’effort sont faits en ce sens ces derniĂšres annĂ©es avec la construction en moins de 5 ans de 22 stades omnisports dans le pays. DĂ©jĂ  j’ai eu la chance de parcourir le pays et je fais un dĂ©nombrement des terrains de basketball depuis 10 ans tout en rĂ©actualisant mes rĂ©sultats Ă  chaque voyage. Le hic est que c’est infrastructures dĂ©jĂ  existantes ne sont pas tous dans les normes rĂ©glementaires ce qui empĂȘche la pratique dans de bonnes conditions de la discipline.

LD : À cette question, je dirais non. Nous n’avons pas suffisamment de terrains, et ceux qui existent sont souvent vĂ©tustes, mal entretenus ou simplement inaccessibles. TrĂšs peu peuvent ĂȘtre qualifiĂ©s de modernes. N’oublions pas qu’aujourd’hui, le dĂ©fi pour chaque pays est de disposer d’une arĂ©na capable d’accueillir de grandes compĂ©titions internationales. Et pour le moment, le BĂ©nin en est encore trĂšs loin.

Cliquer sur le lien pour -> Trouver un terrain au Bénin (en cours)

JJ : Comment se passe la formation des jeunes joueurs au Bénin ? Y a-t-il des centres ou académies bien structurés ?

NA : Au BĂ©nin les jeunes joueurs sont le fruit du sacrifice quotidien des coachs et de certains dirigeants qui ont compris que la formation Ă  la base est fondamentale. Des acadĂ©mies sont en gestation dans tout le pays sans pour autant ĂȘtre encore bien structurĂ©es


LD : Il existe certes des acadĂ©mies et centres de formation, mais ils sont trĂšs peu nombreux et souvent mal organisĂ©s. Le manque de moyens est un frein majeur, ce qui rend les conditions de formation trĂšs compliquĂ©es. Un autre problĂšme, c’est le manque de collaboration entre les encadreurs : beaucoup prĂ©fĂšrent travailler seuls, chacun voulant ĂȘtre reconnu comme celui qui a dĂ©couvert une pĂ©pite. Ce manque d’unitĂ© nuit clairement Ă  la structuration et Ă  l’évolution de la formation au BĂ©nin.

JJ: Les joueurs bĂ©ninois ont-ils des opportunitĂ©s de se faire repĂ©rer Ă  l’étranger ?

NA : Oui, bien sĂ»r, et mĂȘme de plus en plus. En dehors de ceux qui sont nĂ©s ou ont grandi Ă  l’étranger et qui ont eu la chance d’évoluer dans de bonnes ligues, notamment en France, certains joueurs formĂ©s localement ont Ă©galement pu saisir des opportunitĂ©s Ă  l’international.

Parmi les plus anciens, on peut citer Isabelle Yacoubou chez les dames, ou encore Mouphtaou Yarou chez les hommes. Aujourd’hui, une nouvelle gĂ©nĂ©ration commence Ă  Ă©merger. Par exemple, Bio Chabi Yo Souleymane Ă©volue actuellement en Espagne, tout comme Ursulo d’Almeida. D’autres joueurs bĂ©ninois Ă©voluent Ă©galement aux Philippines.

Certains jeunes ont intĂ©grĂ© l’acadĂ©mie NBA au SĂ©nĂ©gal, et d’autres font partie du systĂšme scolaire et sportif amĂ©ricain. On compte aussi quelques joueurs du cĂŽtĂ© de la Russie et au moins trois en France.

Donc oui, les opportunitĂ©s existent, mais il faut les saisir, ĂȘtre bien accompagnĂ©, et bĂ©nĂ©ficier d’un bon encadrement pour rĂ©ussir Ă  franchir les Ă©tapes.

LD : Il est malheureusement trĂšs rare de voir un talent bĂ©ninois s’exporter Ă  l’étranger. Ce qui me peine particuliĂšrement, c’est qu’en prĂšs de six ans d’existence de la Basketball Africa League (BAL), aucun club ni joueur bĂ©ninois n’y a encore participĂ©.

Cela s’explique en partie par le niveau de jeu qui reste globalement faible. Les joueurs ont donc leur part de responsabilitĂ©, mais les mĂ©dias aussi, car ils ne valorisent pas suffisamment les talents locaux Ă  l’international.

Cela dit, il faut saluer les efforts de certains coachs comme Ahmed Taofik ou encore Oswald d’Énergie BBC, qui ont mis en place des tremplins permettant à quelques jeunes de tenter leur chance aux États-Unis ou en Europe.

JJ : Pensez-vous que la nouvelle génération de basketteurs béninois peut apporter un plus au sport et à la jeunesse?

NA : Oui, absolument. Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration de basketteurs bĂ©ninois bĂ©nĂ©ficie d’avantages que les prĂ©cĂ©dentes n’avaient pas. Aujourd’hui, les jeunes ont l’opportunitĂ© de suivre un parcours complet : ils passent par les catĂ©gories cadets, juniors, avant d’atteindre le niveau senior.

Par exemple, rĂ©cemment, certains ont pu participer aux Ă©liminatoires de la Coupe d’Afrique U16. Cela leur donne le temps nĂ©cessaire pour apprendre, se former, et progresser avant d’arriver en senior.

D’ici Ă  ce qu’ils atteignent le haut niveau, la Ligue Pro bĂ©ninoise aura elle aussi Ă©voluĂ©. Elle en est encore Ă  ses dĂ©buts, mais chaque annĂ©e, on observe des amĂ©liorations et un certain perfectionnement.

Ces jeunes auront donc la chance d’évoluer dans un championnat plus structurĂ©, plus compĂ©titif, et mieux encadrĂ©. Je pense sincĂšrement qu’ils disposeront de plus de moyens et d’outils pour faire avancer le basket bĂ©ninois et inspirer la jeunesse.

LD : Oui, bien sĂ»r ! En rĂ©alitĂ©, notre gĂ©nĂ©ration a un peu faussĂ© certaines bases, donc maintenant, on mise tout sur l’avenir. On mise sur ces jeunes en leur offrant toute l’attention et l’encadrement nĂ©cessaires pour rehausser le niveau du basketball bĂ©ninois.

JJ : Y a-t-il de nouveaux phénomÚnes au Bénin qui pourraient un jour rejoindre la NBA ?

NA : Ah oui, clairement ! En ce moment, l’attraction principale, c’est Tunde Yessoufou. Il Ă©volue dĂ©jĂ  en NCAA, et on l’attend sĂ©rieusement pour la draft NBA dĂšs l’annĂ©e prochaine. Je ne donnerai pas ma main Ă  couper, mais je suis plus que convaincu qu’on le verra trĂšs bientĂŽt en NBA.

À cĂŽtĂ© de lui, il y a aussi un jeune prodige trĂšs prometteur. Je prĂ©fĂšre ne pas dĂ©voiler son nom pour le moment, car sa famille a choisi de rester discrĂšte pour l’instant. Mais croyez-moi, ça avance bien pour lui aussi.

LD : Oui, ToundĂ© Yessoufou en fait partie. Comme je le mentionnais tout Ă  l’heure Ă  propos du programme du coach Oswald pour les États-Unis, ToundĂ© est l’un des bĂ©nĂ©ficiaires de ce dispositif. Il est actuellement Ă  l’universitĂ© de Baylor, et il est trĂšs probable qu’il intĂšgre la NBA un jour.

JJ : Les entraĂźneurs ont-ils accĂšs Ă  des formations continues ou Ă  des certifications ?

NA : Oui, il existe des formations continues et des certifications pour les entraĂźneurs, mais leur frĂ©quence reste encore trop faible. Il faudrait qu’elles soient organisĂ©es de maniĂšre plus rĂ©guliĂšre afin de permettre aux coachs de se perfectionner, de mettre Ă  jour leurs connaissances et de mieux encadrer les joueurs. Aujourd’hui, on remarque que certains entraĂźneurs ne maĂźtrisent pas bien les rĂšglements ou les systĂšmes de jeu. C’est pourquoi ces formations doivent ĂȘtre renforcĂ©es et accessibles sur tout le territoire pour faire progresser le niveau global de l’encadrement.

LD : La Fédération béninoise organise réguliÚrement des sessions de formation, sanctionnées par des attestations, pour former les coachs. Généralement, des experts et entraßneurs de renom sont invités pour encadrer ces formations destinées aux entraßneurs locaux.

JJ : Comment sont organisés les championnats au Bénin ?

NA : Au BĂ©nin, les championnats sont organisĂ©s par catĂ©gories. Il y a d’abord le championnat des petites catĂ©gories. Ensuite, on a la Division 2, qu’on appelle aussi le championnat amateur, destinĂ© aux seniors qui ne jouent pas en Ligue Pro.

Puis, il y a la Yuzu Ligue Pro, qui regroupe des Ă©quipes capables de payer leurs joueurs et d’avoir un staff complet : coach, assistants, mĂ©decin, kinĂ©sithĂ©rapeutes, tout ce qu’il faut autour d’une Ă©quipe, ainsi qu’un terrain adaptĂ©.

La Ligue Pro dĂ©bute par des matchs de confĂ©rences : les Ă©quipes du Nord s’affrontent entre elles, de mĂȘme que celles du Sud. Ensuite, les trois meilleures Ă©quipes de chaque confĂ©rence se retrouvent pour disputer un Final Six. AprĂšs cette phase, les quatre meilleures (final four), chez les hommes comme chez les femmes, s’affrontent en demi-finales avant la grande finale.

C’est une nouveautĂ© pour cette annĂ©e. Les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, aprĂšs la phase de confĂ©rence, seuls les deux meilleurs de chaque confĂ©rence se qualifiaient directement pour les demi-finales. Le premier de la confĂ©rence Sud jouait contre le deuxiĂšme de la confĂ©rence Nord, et inversement.
Enfin, ce championnat se joue Ă  la fois chez les hommes et les femmes, avec une volontĂ© d’égalitĂ© et de dĂ©veloppement des deux compĂ©titions.

LD : La FBBB a mis en place un comitĂ© de gestion pour la ligue professionnelle, appelĂ©e aussi Youzou League Pro. Ensuite, il y a le championnat amateur, ainsi que les ligues rĂ©gionales. Sachez que le basketball est encouragĂ© autant chez les hommes que chez les dames, il y a d’ailleurs une certaine paritĂ©.

JJ : Que pensez-vous du niveau des championnats nationaux, masculins et féminins ?

NA : Non, le niveau des championnats nationaux masculins et féminins correspond au niveau actuel de notre championnat. Je ne sais pas avec quel autre championnat je pourrais comparer le nÎtre, mais le niveau est modeste. Il y a encore beaucoup de travail à faire.

LD : Le niveau est trĂšs faible, je le souligne Ă  chaque fois. La preuve, chaque fois que nos clubs participent Ă  des compĂ©titions Ă  l’étranger, ils enchaĂźnent uniquement des dĂ©faites.

JJ : Trouvez-vous des inconvénients concernant ces championnats ? Si oui, voyez-vous des solutions pour mieux les développer ?

NA : Des inconvĂ©nients ? Oui, au niveau de l’organisation. L’organisation de la fĂ©dĂ©ration concernant les championnats doit ĂȘtre Ă©tablie avant le dĂ©but de la saison. Cette annĂ©e, on assiste Ă  des ajustements constants du calendrier des championnats. Parfois, il y a des compĂ©titions internationales qui tombent en mĂȘme temps et le championnat est suspendu. Il est suspendu une ou deux semaines, ou un ou deux week-ends, puis reprend. Il faudrait que le travail soit fait de maniĂšre Ă  ce que les Ă©quipes, les supporters et les joueurs sachent prĂ©cisĂ©ment quand il n’y aura pas de championnat. Ce serait mieux d’organiser cela Ă  l’avance.

Aujourd’hui, on assiste Ă  un championnat qui va jusqu’en aoĂ»t, ce qui est inĂ©dit. D’habitude, le championnat se termine en juillet. LĂ , il continue jusqu’en aoĂ»t. On verra ce que cela va donner.

Mes solutions :
Comme je l’ai dit, il faut mieux organiser le calendrier. À part cela, tel qu’il est prĂ©sentĂ© aujourd’hui, le championnat est trĂšs bien, car les joueurs ont plus de matchs. Avant, ce n’était pas le cas : on regroupait les Ă©quipes, on sĂ©lectionnait les meilleures de chaque dĂ©partement, et elles se rencontraient. En une semaine, c’était terminĂ©. Mais aujourd’hui, le championnat s’étale sur plusieurs jours, semaines et mois. C’est trĂšs intĂ©ressant.

LD : Oui, clairement. Les terrains sont souvent en mauvais Ă©tat et les financements tardent Ă  arriver. Pour progresser, il est essentiel de structurer correctement les saisons, d’amĂ©liorer les infrastructures, et surtout de mettre en place une vraie stratĂ©gie de suivi et de dĂ©veloppement durable du basketball.

JJ : Comment jugez-vous l’implication des autoritĂ©s sportives bĂ©ninoise dans la structuration du basket ?

NA : Le ministĂšre des Sports est vraiment impliquĂ© dans la discipline qu’est le basket. Cela se voit notamment Ă  travers la subvention que la FĂ©dĂ©ration bĂ©ninoise de basket reçoit chaque annĂ©e, par exemple du ministĂšre. MĂȘme dans les diffĂ©rentes organisations, le ministĂšre est bien impliquĂ©. On sent qu’il y a une synergie, un travail coordonnĂ© entre la FĂ©dĂ©ration de basket, le ministĂšre et le Conseil national olympique et sportif. On ressent vraiment une implication sĂ©rieuse des autoritĂ©s sportives du pays dans la gestion du basket.

LD : HonnĂȘtement, c’est encore trop faible. Il n’y a pas assez de soutien concret. On sent bien que le basket ne fait pas partie des prioritĂ©s, mĂȘme si des efforts sont faits ici et lĂ . Le pays a besoin d’une vraie politique sportive autour de ce sport.

JJ : Comment Ă©volue la sĂ©lection nationale du BĂ©nin ? Quels sont les enjeux de la fĂ©dĂ©ration pour le Basket-Ball ?‌

NA : À ce jour, beaucoup de travaux sont en cours pour mettre en place cette sĂ©lection nationale. J’avoue qu’avec la nomination du nouveau coach Xavier, la sĂ©lection masculine est dĂ©jĂ  active. Elle joue des matchs amicaux, organise des rencontres au pays, des camps et des regroupements. Du cĂŽtĂ© masculin, ça bouge beaucoup. Du cĂŽtĂ© fĂ©minin, ce n’est pas encore tout Ă  fait le cas. En ce qui concerne les petites catĂ©gories, comme les U16, l’équipe nationale est bien constituĂ©e. Pour les autres catĂ©gories, notamment les U21, il y a Ă©galement beaucoup de regroupements qui se font pendant les congĂ©s, pendant les vacances scolaires. Donc un travail est en cours pour que la sĂ©lection nationale, surtout senior, soit pleinement opĂ©rationnelle. Pour le moment, elle n’est pas encore assez structurĂ©e pour Ă©voluer pleinement dans les championnats africains ou ouest-africains.

Les enjeux ! Ils sont Ă©normes. De la formation des joueurs Ă  celle des coachs, jusqu’à la mise en place d’une sĂ©lection nationale solide, c’est un travail de fond. Depuis l’arrivĂ©e du PrĂ©sident actuel de la FĂ©dĂ©ration et de son Ă©quipe, on observe une nette amĂ©lioration par rapport aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Les lignes bougent rĂ©ellement. Ce n’est plus comme il y a 10 ou 15 ans. Aujourd’hui, les choses sont mieux structurĂ©es et le travail effectuĂ© est beaucoup plus visible. À chaque Ă©vĂ©nement de basketball organisĂ© dans le pays, on sent l’implication forte de la FĂ©dĂ©ration. Donc oui, les enjeux sont de taille.

LD : HonnĂȘtement, c’est encore trop faible. Il n’y a pas assez de soutien concret. On sent bien que le basket ne fait pas partie des prioritĂ©s, mĂȘme si des efforts sont faits ici et lĂ . Le pays a besoin d’une vraie politique sportive dĂ©diĂ©e Ă  ce sport.

JJ : Quels sont selon vous les principaux freins au développement du basket dans le pays ?

NA : Pour moi, le principal frein au dĂ©veloppement du basketball au BĂ©nin, ce sont
 les humains. Nous-mĂȘmes. Ce sont les conflits internes, les problĂšmes de personnes. Ces querelles ralentissent la dynamique. Pour que le basketball avance vraiment, il faut que tous les fils et filles du pays passionnĂ©s par ce sport se rassemblent et unissent leurs efforts. Quand quelqu’un pose une pierre, un autre devrait venir en ajouter une. Mais aujourd’hui, c’est difficile de voir tout le monde Ɠuvrer dans le mĂȘme sens. Le vrai blocage, selon moi, c’est le manque d’unitĂ©.

LD : Je dirais que le basketball au BĂ©nin fait face Ă  plusieurs freins. Il n’y a pas assez de terrains de qualitĂ© pour permettre une pratique rĂ©guliĂšre et sĂ©curisĂ©e. Le manque de moyens financiers freine aussi le dĂ©veloppement des clubs, des infrastructures et des compĂ©titions. À cela s’ajoute l’absence d’une vraie mĂ©diatisation du sport, ce qui limite sa visibilitĂ© et son attractivitĂ©. On observe Ă©galement trop de divisions entre les acteurs du milieu, ce qui nuit Ă  la cohĂ©sion nĂ©cessaire pour avancer ensemble. Enfin, il manque une vision claire avec des plans Ă  long terme pour structurer durablement la discipline.

JJ : Quelles seraient, selon vous, les premiÚres mesures à prendre pour relancer durablement le basket au Bénin ?

NA : Des mesures sont dĂ©jĂ  en place, c’est vrai. Mais selon moi, on peut encore aller plus loin pour relancer durablement le basketball. Il faudrait d’abord introduire le basket dĂšs l’école primaire. Aujourd’hui, grĂące aux classes sportives, les enfants commencent Ă  pratiquer au collĂšge (6e, 5e, 4e), ce qui est trĂšs positif. Mais plus l’enfant est en contact tĂŽt avec le basket, plus il a de chances de bien apprendre les bases et de dĂ©velopper une vraie passion. Ce serait un vrai coup de pouce pour la relĂšve.

Ensuite, les championnats des petites catĂ©gories ont bien Ă©voluĂ© cette annĂ©e. Avant, c’était souvent un simple regroupement pendant les vacances, avec un ou deux matchs. Aujourd’hui, on voit de vraies compĂ©titions organisĂ©es rĂ©guliĂšrement le week-end. Il faut poursuivre dans cette voie, et mĂȘme multiplier les matchs. Plus les jeunes jouent, plus ils progressent et s’engagent.
Par contre, il reste un vrai dĂ©fi au niveau des infrastructures. On a plusieurs terrains dans le pays, mais peu sont aux normes. Il n’existe pas de gymnase couvert en bon Ă©tat. Ceux qui existaient sont trĂšs dĂ©gradĂ©s, et celui encore utilisĂ© fonctionne dans des conditions trĂšs difficiles. Il est urgent de disposer d’un terrain couvert — pas forcĂ©ment une grande salle — mais au moins un gymnase fonctionnel, protĂ©gĂ© des intempĂ©ries.

Enfin, il est essentiel d’intensifier la formation et la certification des coachs. De bons entraĂźneurs, bien formĂ©s, sont indispensables pour faire progresser techniquement nos jeunes.

LD : Pour relancer durablement le basketball, plusieurs actions sont essentielles. Il faut d’abord impliquer les entreprises locales ainsi que la diaspora dans le financement du sport. Ensuite, il est important de construire de bons terrains dans plusieurs villes pour permettre une pratique de qualitĂ©. Il est aussi nĂ©cessaire de mettre en place un championnat structurĂ© et rĂ©gulier, qui garantisse un bon niveau de compĂ©tition. La formation des coachs, tant sur le plan local qu’à l’étranger, est Ă©galement une prioritĂ©. Enfin, le basketball doit ĂȘtre mieux valorisĂ© Ă  travers les mĂ©dias et les rĂ©seaux sociaux afin de renforcer sa visibilitĂ© et susciter l’engouement du public.

JJ : Comment attirer des sponsors ou partenaires privés vers ce sport ?

NA : Je pense que cela se fait dĂ©jĂ , en partie. Dans le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) pour le secteur du sport, il existe une mesure intĂ©ressante : lorsqu’une entreprise, qu’elle soit privĂ©e ou publique, soutient un club ou une Ă©quipe, elle bĂ©nĂ©ficie d’allĂšgements fiscaux, notamment des rĂ©ductions d’impĂŽts. Ce sont des incitations importantes pour attirer les sponsors vers le sport.

Aujourd’hui, on constate d’ailleurs que la majoritĂ© des clubs au BĂ©nin sont soutenus par des sociĂ©tĂ©s privĂ©es ou publiques. C’est une avancĂ©e notable.

Mais au-delĂ  du soutien financier, il faut que cela soit visible. Par exemple, les logos des sponsors devraient apparaĂźtre sur les maillots, sur les supports de communication, etc. C’est ce genre de visibilitĂ© qui peut inciter d’autres entreprises Ă  s’impliquer.

Enfin, il faut amĂ©liorer la communication autour des clubs et des compĂ©titions. Plus les sponsors verront qu’il y a une bonne visibilitĂ©, des retombĂ©es mĂ©diatiques et un public engagĂ©, plus ils auront envie d’investir.

JJ : De nombreux Français d’origine bĂ©ninoise ont portĂ© les couleurs de l’équipe de France ou Ă©voluĂ© au plus haut niveau en Europe, comme Éric Micoud, Ian Mahinmi, Isabelle Yacoubou, les frĂšres Ayayi ou encore leur sƓur ValĂ©riane Ayayi. Ces figures sont-elles perçues comme des modĂšles ou des sources d’inspiration pour la jeunesse bĂ©ninoise ?

NA : Isabelle Yacoubou et Ian Mahinmi sont, parmi les noms que tu m’as envoyĂ©s, les figures les plus influentes. Ce sont de vrais modĂšles pour la jeunesse bĂ©ninoise. Isabelle Yacoubou, en particulier, est une immense source d’inspiration, surtout pour les jeunes filles. Aujourd’hui, au BĂ©nin, il est difficile de trouver une jeune basketteuse qui ne connaĂźt pas Isabelle. Elle est un vĂ©ritable monument du basketball bĂ©ninois, une rĂ©fĂ©rence incontournable.

Ian Mahinmi aussi est un modĂšle fort. Il a marquĂ© les esprits, notamment avec sa bague de champion NBA. C’est une grande source de motivation pour les jeunes.

Par contre, j’expliquais aussi que les autres noms comme Éric Micoud ou les frùres Ayayi sont moins connus. Beaucoup de jeunes ne les identifient pas vraiment.

LD : Bien sĂ»r, des joueurs comme Mahinmi, Micoud, Yacoubou ou les Ayayi sont une vraie source de motivation. Le problĂšme, c’est que leurs parcours ne sont pas assez connus ici. Il faudrait mieux raconter leurs histoires, les mettre en lumiĂšre pour que les jeunes se disent : « Moi aussi, je peux y arriver ».

JJ : En France, le joueur béninois le plus emblématique pour le grand public reste sans doute Mouphtaou Yarou, un pivot dominant passé par le cursus universitaire américain avant de briller en Pro A. Quelle image laisse-t-il au Bénin et joue-t-il un rÎle auprÚs des jeunes basketteurs béninois ?

NA : Ce n’est pas parce que c’est un ami d’enfance ou un proche, mais je dirais que Mouff est aujourd’hui la figure masculine du basket bĂ©ninois Ă  l’intĂ©rieur du pays. Il fait Ă©normĂ©ment, mĂȘme s’il n’aime pas trop qu’on parle de ses actions. Je ne vais pas trahir ses secrets, mais il joue un rĂŽle trĂšs important auprĂšs des jeunes.

Depuis des annĂ©es, il organise des tournois et des camps, notamment dans le nord du pays. Et dans quelques jours, il organise un colloque pour rĂ©unir les jeunes joueurs professionnels, afin de discuter de leur carriĂšre et surtout de l’aprĂšs-basket.

LD : C’est une figure importante. Il a rĂ©ussi Ă  se faire une place en Europe. Cependant, son image n’est pas assez valorisĂ©e au BĂ©nin. Il pourrait jouer un rĂŽle de mentor, un modĂšle inspirant, ce qui donnerait un vĂ©ritable coup de boost aux jeunes basketteurs.

JJ : Comment la diaspora béninoise et africaine peut-elle aider au développement du basket local ?

NA : La diaspora peut aider de plusieurs façons : en continuant Ă  organiser des camps, en apportant leur expertise, en organisant des tournois, en envoyant des coachs, des kinĂ©s et d’autres professionnels qui viendront au pays pour former les jeunes et partager leur vĂ©cu. Il est important que les coachs, les jeunes et les dirigeants locaux entendent d’autres expĂ©riences, d’autres mĂ©thodes, afin de comparer et de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, notamment dans des pays comme la France oĂč le basketball est trĂšs dĂ©veloppĂ©. La diaspora bĂ©ninoise a tout intĂ©rĂȘt Ă  s’impliquer davantage pour contribuer au dĂ©veloppement du basketball local.

LD : Elle peut jouer un rĂŽle majeur : en apportant du matĂ©riel, en finançant des projets, ou encore en crĂ©ant des passerelles entre le BĂ©nin et l’étranger. Avec un rĂ©seau bien structurĂ©, les talents locaux pourraient accĂ©der Ă  de rĂ©elles opportunitĂ©s Ă  l’international.

Nat et Mouphtaou Yarou

JJ : Un message à faire passer aux jeunes passionnés de basket au Bénin ?

NA : C’est le moment de ne pas abandonner. C’est le moment de beaucoup travailler. Aujourd’hui, ils ont de la chance : le gouvernement soutient leurs efforts, la fĂ©dĂ©ration aussi. Tout est mis en place pour qu’ils soient dans de bonnes conditions. Alors, je leur dirais de travailler, de ne rien lĂącher. De travailler dur, avec passion, avec rigueur. Car le travail finit toujours par porter ses fruits.

LD : Ne lĂąchez rien. MĂȘme si les conditions sont difficiles, continuez Ă  travailler, Ă  rĂȘver, Ă  vous entraĂźner. L’avenir du basket bĂ©ninois est entre vos mains.
Le basket au BĂ©nin peut devenir grand, mais cela demandera du travail, de la passion et de l’unitĂ©. Si on se donne les moyens, rien ne pourra nous arrĂȘter.

JJ : Le 3X3 est une nouvelle discipline olympique. Comment évolue le 3X3 sur le territoire béninois ?

NA : Ah oui, on peut fiĂšrement dire que le 3 contre 3 occupe une place de choix au BĂ©nin. Le pays est aujourd’hui l’une des toutes premiĂšres nations africaines dans le classement FIBA 3×3, aussi bien chez les hommes que chez les dames. À un moment, nous Ă©tions deuxiĂšmes, mais selon le dernier classement, nous occupons dĂ©sormais la premiĂšre place au classement combinĂ©.

Le 3 contre 3 a connu une croissance rapide grĂące Ă  l’organisation de plusieurs tournois sur le territoire national, ainsi qu’à la participation de nos Ă©quipes — toutes catĂ©gories confondues — aux Lite Quests, aux Challengers, et Ă  d’autres compĂ©titions en Afrique et en Europe.

L’objectif du BĂ©nin aujourd’hui, c’est clairement de se qualifier pour les prochains Jeux Olympiques. Nous avons une trĂšs belle Ă©quipe en 3 contre 3, tant chez les dames que chez les hommes, et dans presque toutes les catĂ©gories. Franchement, je suis convaincu que le BĂ©nin ne va pas s’arrĂȘter lĂ  : le niveau va continuer Ă  grimper.

LD : C’est une belle opportunitĂ© pour le pays, car cette discipline demande moins de moyens que le basketball classique. D’ailleurs, le BĂ©nin occupe depuis dĂ©jĂ  2 ans la premiĂšre place au ranking FIBA en Afrique. Au niveau local, il y a quelques tournois et des jeunes qui s’y mettent, mais il manque une vraie ligue et des compĂ©titions rĂ©guliĂšres. Bien encadrĂ©, le 3×3 peut devenir un vĂ©ritable tremplin pour le basket bĂ©ninois.

JJ : Si vous étiez un son, lequel seriez-vous ?

NA : Apprendre Ă  pardonner de Singuila.

LD : Youssoupha, pour la puissance des rimes et la promesse d’une renaissance de l’Afrique.

JJ : Quel sera pour vous le mot de la fin ?

NA : Merci Jimmy Jay pour l’initiative, et surtout merci pour tout ce que tu fais.

LD : Le basket bĂ©ninois n’a pas besoin d’une rĂ©volution, mais d’une renaissance. Une renaissance portĂ©e par la jeunesse, soutenue par des visionnaires, nourrie par un rĂȘve africain plus grand que les statistiques. Nous n’avons pas encore marqué  mais le match est loin d’ĂȘtre terminĂ©.

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1 commentaire

  1. Super article. Complet. Bel etat des lieux de la situation, avec un « double point de vue » pratique et mediatique.

    Cet article merite a l’avenir d’ĂȘtre reproduit sur chacun des pays du continent.
    Qu’on se connaisse mieux pour savoir comment mieux faire !

    Merci

    (Peut etre prevoir un format podcast pour la lecture un peu longue 😅😅)

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