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Interview du speaker Jamil Rouissi


Aujourd’hui, nous vous offrons une interview de Jamil Rouissi. Connu principalement en tant que speaker de la JSF Nanterre, ce dernier revient sur sa carrière toujours en cours, et sur ce qu’il a pu développer en tant qu’acteur du basketball français. Mais c’est aussi pour lui l’occasion de parler de certaines causes qui lui tiennent à coeur, et dépassent les limites de notre Métropole.

JJ: En premier lieu, présentez-vous, svp.

JR: Alors, je m’appelle Jamil Rouissi, et je vais prendre 44 ans au mois de Juillet prochain. Cela fait 21 saisons de suite que j’officie en tant que speaker professionnel. Durant ma carrière, j’ai travaillé pendant 9 ans pour les All-Star Game français, ou 4 ans pour les Match des Champions. Mais j’ai pu également faire le taff lors des 7 dernières finales masculines et féminines du Championnat de France de Volley-Ball, et bosser pour l’Union Nationale du Sport Scolaire lors des Championnats du Monde et des Jeux Internationaux de la Jeunesse, qui ont tous les deux lieu en France.

JJ: Vous êtes connu en tant que Speaker du club de Basketball de Nanterre, ainsi que de Levallois Métropolitaine. Pouvez-vous nous parler de cette expérience? Notamment comment cela a commencé, quels sont les meilleurs moments que vous avez vécu lors de matchs, et jusqu’où continuerez-vous avec eux?

JR: Donc, je suis speaker des clubs de Levallois et de Nanterre, mais aussi de Rueil-Malmaison.
Mon parcours a commencé avec Levallois, pour ensuite taffer pendant un an à Cholet, avant d’être contacté par Franck LE GOFF, l’assistant coach actuel de Nanterre, qui m’a proposé de devenir le speaker officiel de la JSF Nanterre, et ce à l’époque où le club passait de la N1 à la PRO B.
Parmi mes meilleurs souvenirs avec ce club, il y a forcément les titres remportés sur les 5 dernières années, tels que celui de Champion de France PRO B en 2011, ou bien de Champion de PRO A en 2013. Mais je pense aussi à la victoire contre Barcelone en Euroleague, car j’apprenais ce jour-là que ma femme était enceinte. Sans oublier la finale de la Fiba Europe Cup contre Chalon-sur-Saône, où l’on gagne avec un magnifique taux de réussite à 3 points lors des deux rencontres.
Maintenant, pour ce qui est de ma continuité en tant que Speaker de profession, il est vrai qu’avec 21 saisons d’affilée, je suis plus proche de la fin que du début. Ce métier reste tout de même assez redondant, dans le sens où l’on voit toujours les mêmes choses, que ce soit 2 points, 3 points, remise en jeu, et j’en passe… Ce qui fait vraiment la différence, c’est l’importance de la musique, ainsi que l’intonation de notre voix par rapport aux actions en cours de jeu. Mais ce qui fait que je continuerai ce taff, c’est d’avoir du stress avant chaque rencontre, et sentir que je peux donner du plaisir aux gens. Si ce stress venait à disparaître, alors je m’arrêterai.

JJ: Donc, vous êtes speaker dans 3 clubs, à l’heure actuelle. Comment faîtes-vous pour travailler dans les 3 en même temps, en sachant qu’il y a des weekends où ils jouent tous?

JR: Au début de chaque saison, je dois faire une demande particulière à mes 3 clubs respectifs, même si cela ne concerne que Rueil, et ce pour une raison simple: Nanterre et Levallois ne jouent pas en même temps, car la FFBB n’a aucun intérêt à voir 2 clubs parisiens jouer à domicile, donc pour le calendrier je suis tranquille.
Concernant Rueil-Malmaison, je demande à la présidente du club d’envoyer une lettre recommandée à la fédération, pour que l’équipe joue ses matchs à domicile en alternance avec Nanterre, car ces deux villes sont limitrophes. Du coup, Levallois joue le vendredi, et quand Nanterre est à domicile le samedi, Rueil joue à l’extérieur, et ce de façon réciproque.
Mais s’il arrive d’avoir deux de ces équipes qui jouent à domicile, je fais appel à d’autres speakers professionnels que je connais bien pour me remplacer la plupart du temps à Rueil, dont un certain normand qui s’appelle Pierre Salzmann Crochet.

JJ: L’année dernière, on vous a vu officier pour Nanterre et Levallois, en playoffs. Que s’est-il vraiment passé? Car on vous a vu bosser pour Nanterre, mais pas pour Levallois. Donc comment avez-vous pu vous en sortir?

JR: Il y a 2 ans, quand j’ai signé mais deux contrats avec ces deux clubs, j’ai posé une condition très simple pour qu’ils acceptent: dans le cas où tous deux s’affrontent au domicile de Nanterre, je fais mon match là bas. Mais dans le cas contraire, je me fais remplacer, et ce pour une raison simple. Si les matchs ont lieu en saison régulière, il n’y a pas de risque d’incidence. Mais quand ce sont les playoffs, les gens ne peuvent pas comprendre qu’un speaker puisse être pour une équipe, et le lendemain pour l’autre. D’un point de vue éthique, ce n’est pas très bon, d’où le fait que je me fasse remplacer à Levallois.
Maintenant, si Nanterre a la priorité, c’est tout simplement parce que c’est le dernier club à ne pas m’avoir viré le plus tôt des deux. Quand c’est Nanterre qui m’a remercié, j’ai donné la priorité à Levallois. Mais quand Levallois m’a licencié, c’est Nanterre qui a récupéré la priorité. Du coup, je privilégie l’équipe qui m’a recruté le plus tôt des deux.

JJ: Vous qui avez été speaker de l’équipe de France, espérez-vous renouveler cette aventure?

JR: En fait, j’ai une histoire assez incroyable avec l’Equipe de France, dans le sens où j’ai speaké pour la 1ère fois en l’an 2000 pour France-Espagne et France-Turquie à Pau, en préparation des jeux olympiques de Sydney. Puis j’ai dû attendre 12 ans, pour pouvoir faire On The Road To London, qui était la campagne de préparation pour les Jeux Oympiques de Londres. Donc, si l’on fait le calcul, je vais devoir attendre jusqu’en 2024 pour pouvoir renouveler l’expérience avec les Jeux de Paris, et finir en beauté tout en fêtant mes 50 ans lors de ces compétitions.

JJ: Quels souvenirs vous sont restés de cette expérience?

JR: J’en ai en tant que speaker, mais surtout en tant que supporter.
Je peux déjà dire que l’équipe de France des Jeux Olympiques de 2000 m’a beaucoup marqué, alors que je n’avais que 26 ans. J’ai suivi pratiquement toutes les campagnes de cette équipe, allant de 1997 à 2010. Et j’ai aussi suivi de nombreux championnats, qu’ils soient mondiaux ou européens.
Mon pire souvenir reste la demi-finale perdue contre la Grèce, alors que l’on avait 7 points d’avance sur les 42 dernières secondes. Mais l’un de mes meilleurs souvenirs, qui n’a cependant rien à voir avec l’équipe de France, c’est le match Grèce-Etats Unis, lors du championnat du monde au Japon. C’est tout simplement le plus beau match que j’ai pu voir sur place, où l’équipe de Lebron James se fait battre en demi-finale du championnat.
Mais mon meilleur souvenir reste avec l’équipe de France féminine, qui avaient passé les demi-finales en battant la Russie, pour ensuite jouer la médaille d’argent à Londres.

JJ: On vous a connu comme le speaker du Quai 54. Parlez-nous un peu de cet événement, de son évolution, et de ce qui vous a le plus marqué dans cette dernière?

JR: le Quai 54, c’est d’abord l’histoire de 3 potes, dont le fondateur Hammadoun Sidibé, et les deux joueurs Amara Sy et Sacha Giffa. Elle a d’abord commencé avec une première édition au 54 du quai Michelet à Levallois, puis a évolué vers un côté bling-bling, et moins street qu’au départ. Malgré tout, je garde un attachement au Street, et c’est pour ça que je commente les matchs, autrement on se contenterait d’écouter de la musique, et le basket ne serait qu’un accessoire qui passe devant nos yeux.
En choisissant de ne faire mon taff au Quai 54 que dans le basket, et pas dans d’autres domaines, je me considère un peu comme la caution morale du Streetball. Il m’arrive d’ailleurs, en tant que speaker du Quai 54, de ne pas connaître les artistes qui défilent devant moi. Car si la culture basket est associé au Hip Hop et aux Sneakers, je ne me penche que sur ce sport, et délaisse les deux autres domaines en lien, ce qui me permet de maîtriser mon domaine. Et si on arrive à être complémentaire dans l’organisation et l’animation du tournoi, c’est parce que chacun maîtrise son sujet.
Maintenant, il est très difficile de durer. Comme dit dans la citation de l’Elan Béarnais, L’Art c’est de durer. Et s’il y a une variable qui peut changer au Quai 54, alors que les autres seront toujours présentes, c’est bien le basket et son impact, tout comme le taff des DJ.

JJ: Une petite question qui fâche, ou pas. Jordan, ou pas Jordan, il y a 2-3 ans?

JR: Ce n’est pas une question qui fâche. Michael Jordan était bien là, et devait venir. Mais il n’est pas venu car, à l’époque, la maire de Paris avait une inauguration de terrain à faire, le matin du Quai 54. Or, ce terrain a été envahi, et la sécurité était donc débordée. Et comme il apparaîtrait que Michael Jordan soit quelqu’un d’agoraphobe, d’après ce que je crois comprendre, le fait d’apprendre ces bousculades et ces tensions à Paris ne l’a pas mis dans des conditions pour être en sécurité dans ces moments-là.
Mais pour être franc, je n’en sais pas grand chose, car je ne bossais pas pour le Quai 54 cette année-là, mais pour l’Equipe 21 en tant que consultant, pour commenter le concours de dunks.
J’ai dû prendre le micro pour combler un vide dans l’animation, et éviter que ça s’enlise, mais plus parce que je ne voulais pas les laisser tomber que par connaissance d’une situation. C’est une initiative personnelle que j’ai prise, pour les dépanner, et non un véritable travail.

JJ: Je constate comme un manque dans ce tournoi avec l’absence de certaines grosses équipes américaines, telles que les Terror Squad ou les Sean Bell All Stars par le passé. Qu’en pensez-vous?

JR: Il ne faut pas se mentir. Si depuis ses 10 ans d’existence, il y a 8 éditions gagnés par les français, on peut se poser la question de la légitimité du Quai 54. Maintenant, je pense que Jordan ayant signé 10 ans avec Hammadoun, je pense qu’on va voir de nouvelles équipes américaines qui vont donner le change aux équipes françaises.
Mais c’est vrai qu’il y a un manque de cachet, quelque part. Par exemple, l’équipe serbe que j’avais envoyé n’a pas été respecté lors du tournoi. Malgré tout, ce sont eux qui ont battu les Etats-Unis lors de cette édition, où je n’étais pas présent. Et aujourd’hui, ils sont champions du monde de 3*3, et premiers dans ce classement mondial.

JJ: Pouvez-vous nous parler de Lead By Example, de ses matchs caritatifs et nous communiquer les dates de la prochaine édition?

JR: Lead By Example est une association fondé par Louvenor JEAN-PIERRE, qui ne savait ni lire ni écrire alors qu’il avait déjà 7 ans en Haïti, et par la suite est passé par la France et est devenu trader à Londres. Ce dernier s’est dit que s’il a pu s’en sortir dans la vie, c’est grâce à l’éducation, et qu’il se devait donc de redonner à ses compatriotes cette même éducation qui lui a permis de s’en sortir. C’est une cause qui m’a touché, et ce même en temps que marocain, et non haïtien.
J’ai donc eu l’idée d’organiser ensemble quelques matchs caritatifs pour aider les plus jeunes financièrement. Car il faut savoir qu’à Haïti, l’éducation n’est pas gratuite, et atteint les 60€ par enfant. Du coup, on a commencé avec 41 élèves, et aujourd’hui on en a plus de 150. Et tous les ans, on fait des matchs de gala pour pouvoir récolter des fonds.
Cette année, il y en aura à Nanterre le Dimanche 24 Juin, lors du dernier jour de la Fashion Week. 2 formats pourraient alors être possibles:
Soit faire venir une équipe en provenance des Etats-Unis, par le biais de notre entité américaine Lead By Example Foundation, et opposer cette dernière à une équipe française.
Soit choisir un format All Star Game, avec deux têtes d’affiche du championnat français, qui constituent chacun leurs équipes, et s’affrontent ensuite comme Lebron James face à Stephen Curry. Dans le cas de cette option, les noms ne sont pas encore connus, étant encore moi-même en négociation.
Bien entendu, toutes les recettes sont intégralement reversées à notre association. Je n’ai pour ma part jamais pris de billet d’avion pour aller en Haïti au nom de l’association, car cela coûterait bien trop cher pour cette dernière. Je me dis que le mieux est de laisser cet argent pour aider les plus jeunes là-bas. Les seules personnes qui se rendent sur place et soutiennent notre action, ce sont des gens qui y vont en vacances pour voir leur famille. Mais nous gérons nous-même notre action de A à Z pour que tout se passe bien.

JJ: Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos premiers pas sur la terre africaine, en tant que speaker?

JR: Cela s’est fait après une immense déception pour ne pas avoir été pris pour l’euro 2015 en France, avec comme argument principal le manque d’expérience des phases finales…
Suite à cela, une autre fédération a accepté de me faire confiance, qui n’est autre que celle de la Tunisie, et dont la demande était de speaker pour la phase finale de l’Afro Basket ayant lieu chez eux. Et au final ils ont tout compris, puisqu’ils ont fini champions d’Afrique, et m’ont en plus donné une médaille d’or.
C’est donc un très bon souvenir, qui pourra toujours me servir d’argument concernant mon expérience des phases finales, au cas où la France aurait un nouvel Euro à me fournir.

JJ: Avez-vous un certain regard sur le basket marocain, vous qui êtes originaire de ce pays?

JR: Tout à fait. Je suis entrain de faire des camps spécifiques au niveau de la formation marocaine, après avoir remarqué qu’il y avait un déficit à ce niveau. Et pour aider le basket marocain, je fais des camps tous les ans avec un joueur nigérien du nom de Aloysius Anagonye, qui évoluait précédemment à Levallois. Je peux d’ailleurs remercier certaines associations qui ont accepté de partager leur stock de baskets avec des équipes marocaines.
Sinon, je suis entrain de voir pour développer le 3*3 au Maroc, avec l’aide de Mohammed Marrakchi. J’essaie donc de faire des ponts entre la France et le Maroc.

JJ: Vous êtes l’un des fondateurs d’une entité qui s’appelait Le Réseau, et qui était à la base une fusion de plusieurs tournois français. Pouvez-nous nous en parler?

JR: Il s’agissait de mettre en commun plusieurs tournois dans toute la France, et non simplement à Paris. Il n’y avait pas d’objectif de contrainte, mais plutôt de liberté. Il s’agissait de permettre à des joueurs non-professionnels de jouer ensemble, et de donner aux vainqueurs de chaque tournoi de s’affronter lors d’une grande finale à Paris.
Si le but était de permettre le développement du basket, le problème était que chaque propriétaire de tournoi voyait son événement comme son bébé. Me concernant, j’étais un peu l’avocat de tout le monde, et faisais en sorte que chacun soit plus à même d’être participatif. Mais avec la baisse des subventions à longueur de temps, et l’argent étant le nerf de la guerre pour un tournoi, les financements sont encore bien plus importants quand on veut faire une finale qui englobe tous les autres tournois.
Aujourd’hui, je me dis qu’il faut partir de l’inverse. Venir avec de l’argent, et ensuite organiser le tournoi. Avec le recul que j’ai pris par rapport à ça, je pense que ce fut peut-être notre erreur de nous dire qu’on va s’entraider, alors que si l’on s’aide d’abord soi-même, on peut ensuite voir ailleurs.
Si je parviens à trouver le soutien d’un actionnaire qui peut donner de l’argent, c’est là que je pourrais devenir crédible et me faire entendre auprès des autres.

JJ: On sait que les speakers représentent une part prépondérante des matchs de basket. Pouvez-vous nous dire ce qui est nécessaire pour tout jeune souhaitant se lancer dans ce métier?

JR: La première chose à savoir est qu’il faut être arbitre, la connaissance de toutes les règles étant nécessaire pour devenir un bon speaker.
Ensuite, on peut trouver 3 sortes de speaker. Le conventionnel, qui va faire son taff de manière sobre. Les speakers plus enjoués, comme Pierre Salzmann Crochet. Et enfin, les speakers dits cultivés, qui maîtrisent tout à la perfection, comme le palmarès de chaque joueur, les techniques individuelles, et ce à force de se tenir en permanence au courant, comme moi.
En fait, chacun a son style, et il vaut mieux éviter de copier sur quelqu’un d’autre, car c’est en étant soi-même que l’on peut émerger en tant que speaker.
Il est également nécessaire d’avoir en soi, ou à côté de soi, une oreille musicale. En tant que speaker solo, je me concentre sur les joueurs, car je n’ai pas à gérer la musique. D’autres gèrent également le son, mais pour ma part je fais appel à un DJ quand je taffe.

JJ: Pouvez-vous nous donner le mot de la fin?

JR: S’il y a une chose que je sais, c’est qu’avec plus de 20 ans dans ce métier, on finit par devenir relou. Les seules variables pouvant donner le change sont la musique, et le fait de parvenir à se détacher des autres speakers avec son propre style. Si aujourd’hui je ne peux pas plaire à tout le monde avec mon propre style, au moins on ne pourra pas me reprocher de ne pas connaître le basket. Mais il est vrai que si les gens d’aujourd’hui ne retiennent qu’une seule chose de mon travail, c’est « Ici, c’est Nanterre! », tout simplement parce que ça a marqué beaucoup de gens. Donc il faut savoir trouver la formule pour continuer à être là.

JJ: Avez-vous un pronostic pour les finales NBA?

JR: Etant un fan des Lakers, et ces derniers étant éliminés, je m’en préoccupe peu. Donc on va dire Boston VS Golden State, avec la victoire des Warriors.
Vu que j’ai pu voir le All Star Game pour la première fois de ma vie, et visiter leur centre d’entraînement, je suis déjà bien content comme ça, au final.