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Interview de la funambule Tatiana-Mosio Bongonga,


Ayant eu l’occasion d’interviewer Tatiana-Mosio Bongonga, funambule de profession, cette dernière nous parle de son activité, tout en nous révélant le parcours qui lui permit de se lancer pleinement dedans, et surtout sa plus grande Traversée funambule, parmi toutes ses représentations: faire une première dans sa ville natale!

JJ: Parlez nous donc de vous.

TB: Je m’appelle Tatiana-Mosio BONGONGA. J’ai 32 ans et suis artiste de cirque. Dans ce domaine, j’évolue en tant que funambule, et aujourd’hui je me spécialise de plus en plus dans les grandes traversées en extérieur.

JJ: Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette discipline?

TB: Le funambulisme est une discipline ancestrale, qui consiste à marcher sur un fil en hauteur.
Quand on parle de funambule, on parle d’un câble tendu qui se situe minimum à 3 mètres de hauteur, le max il n’y en a pas… En général, les funambules travaillent avec un balancier.
C’est une perche mesurant 7,5m de long. Son poids varie selon les gabarits. Le mien pèse 13 kg par exemple.

JJ: Comment avez-vous découvert cette passion pour cette discipline à sensations fortes?

TB: C’était lors d’une fête de quartier, à Hérouville Saint-Clair. J’avais 7 ans et demi, et lors de cet événement, une funambule a traversé entre deux immeubles. Ce fut pour moi une révélation, qui me poussa à m’inscrire aussitôt aux Artistochats, une association hérouvillaise toujours en activité qui était à l’époque surtout spécialisée en funambulisme. C’est comme ça que tout a démarré.

JJ: Est-ce que ce premier contact vous a beaucoup apporté?

TB: Oui, le fil m’a beaucoup apporté. C’est comme si, de par sa symbolique forte, il avait répondu à toutes mes questions au fil du temps.

Quand on apprend à faire du fil, on se rend compte que la stabilité n’existe pas. L’équilibre est quelque chose que l’on cherche perpétuellement. Parfois on chute, mais on apprend à se relever.
On prend des risques en toute conscience. Ce qui est très important quand on est jeune, car on a souvent tendance à repousser les limites sans conscience de ce qu’on fait. Le fil m’a permis de réfléchir à comment je devais m’y prendre avant d’agir, et ce que je risquais si jamais je me plantais.
Je pourrais parler pendant des heures sur les bienfaits de cette discipline, mais disons que du haut de mes 8 ans réussir à marcher sur un fil, à faire des figures, m’a montré que, moi aussi, j’étais capable de faire des choses.  On ne dit pas assez aux enfants qu’ils sont capables de tout, et quand on grandit à Hérouville Saint-Clair, enfin à l’époque en tout cas, on se prend quand même une certaine réalité dans la tronche.
Petite, j’avais déjà conscience que rien n’était gagné, aujourd’hui je suis fière du trajet parcouru et je suis reconnaissante envers les personnes qui m’ont fait découvrir un autre monde.
Les Artistochats créés par Tony Gardin était une véritable école de vie et de possibles.

JJ: Une fois la période Artistochats terminée, comment avez-vous fait pour vous développer par la suite?

TB: À la base je n’avais pas spécialement envie de faire du funambule comme métier. J’étais en Fac de psychologie à L’université de Caen. J’ai arrêté le funambule parce que je ne pouvais plus m’entraîner comme avant et c’est là que je me suis rendue compte que j’étais funambule et que j’avais besoin de cette activité pour être bien.

Je me suis alors présentée à l’école Balthazar à Montpelier, classe préparatoire pour les écoles supérieures de cirque. J’ai été retenue sur liste d’attente, puis acceptée. Suite à ça, j’ai intégré directement le CNAC(Centre National des Arts du Cirque) à Châlons en Champagne, considéré comme LA grosse école.
Je me suis d’abord faite recalée sur dossier mais j’ai réussi à faire un stage chez eux et ils se sont rendus compte qu’ils avaient fait une erreur. J’ai alors passé les sélections et j’ai été retenue.
Quand la grande porte est fermée, il faut savoir être malin et passer par une autre entrée 😉
Là-bas, j’y ai appris la danse, le théâtre, et d’autres disciplines connexes au funambulisme.

Le CNAC m’a permis d’avoir une belle carte de visite. Une fois l’école terminée, j’ai très vite intégré des compagnies, des grosses compagnies jusqu’au moment où j’ai sentie qu’il était temps de créer la mienne.

JJ: À quel moment avez-vous pu faire votre première vraie Traversée?

TB: Ma première vraie Traversée a eu lieu à Sauve lors d’un festival. J’ai été invitée par des amis pour jouer dans leur festival. J’ai réussi à me faire prêter du matériel dans la compagnie où je travaillais ( les Colporteurs). Jan Naets avec qui j’avais travaillé dans Buren Cirque s’est porté volontaire pour installer le fil, et de fil en aiguille, la traversée s’est montée. À la suite de ça, avec Émilie Pécunia (qui était en charge de l’évènement) et Jan Naets nous avons décidé de créer Basinga. Une compagnie spécialisée en funambulisme.

JJ: Et la suite des événements?

TB: La compagnie a maintenant trois ans, nous avons fait quelques traversées, en France, au Portugal, en Suède. Et riches de toutes ses expériences nous nous sommes lancés dans un projet de création de spectacle qui devrait voir le jour en Mars 2018.

Ce sera un spectacle in situ et participatif. Nous créerons, à chaque fois, une traversée en lien avec l’histoire de la ville et ses habitants, en essayant de toucher un maximum de personnes, de par des ateliers différents qui mèneront à notre spectacle.
Cf : notre site internet pour plus d’information. www.ciebasinga.com

JJ: On a pu vous voir à Caen, et on souhaiterait savoir ce que ça vous fait d’avoir pu vous y représenter.

TB: Un rêve d’enfant. C’était la première fois que je parcourais une distance aussi longue et que je montais à 40m de haut. Tout ça à Caen, sachant qu’en 10 ans de carrière, je n’avais jamais eu l’occasion de jouer chez moi.

C’était donc l’occasion parfaite pour dire à mes copains de venir me voir pour cette performance.
J’ai vu débarquer des gens que je n’avais pas vus depuis la primaire, tous avec leurs familles et leurs enfants, ce qui m’a vraiment fait halluciner.
Sur le fil, tous les 8 mètres de distance, nous installons des cordes, à cheval sur le fil, pour pouvoir le stabiliser. Ces cordes étaient tenues par des gens qui, pour la plupart, étaient des amis ou des amis d’amis. Il y avait environ une quarantaine de personnes pour tenir ces cordes. C’était magnifique.
Le jour de la Traversée, nous nous attendions à avoir 2 mille personnes. D’après les organisateurs, 10 mille personnes sont venues voir ce spectacle. Je n’avais jamais joué devant autant de monde.
Une belle aventure donc. Être accompagné par mes amis ma famille et mes coéquipiers whaou c’est inoubliable.

JJ: Concernant votre discipline, combien d’heures vous entraînez-vous par jour?

TB: Eh bien, ça dépend. Quand j’étais en mode artiste associée, à l’Académie Fratellini, je m’entraînais tous les jours, et fréquentais une salle de sport en plus, avec le même rythme. Je me faisait parfois du 8 heures par jour.

JJ: Qu’en est-il maintenant?

TB: Là, j’ai déménagé dans le Gard, où j’ai ma maison et je fais beaucoup de bricolage. On peut appeler ça de la récupération active. Je m’entraîne différemment. Mais toutefois, j’ai des périodes de résidence où, sur une semaine, je m’entraîne non-stop sur le fil.

JJ: Et donc quel conseil donner à un jeune qui veut se lancer sur le fil?

TB: Se préparer, prendre le temps, car le funambulisme est vraiment une discipline qui se fait sur le long terme. Il faut vraiment être passionné par ça, car c’est une discipline qui prend vraiment beaucoup de temps, d’énergie et qui occupe beaucoup l’esprit… C’est une discipline miroir donc un travail sur soi est fortement conseillé.

Pour moi, il faut bien 10 ans de préparation pour être funambule. C’est bien de rencontrer différentes écoles du funambulisme, apprendre avec des funambules du cirque traditionnel car ils ont une expérience très fine de la discipline et confronter tout ça au cirque contemporain. Prendre le temps de comprendre pourquoi est-ce que l’on fait ça, pourquoi est-ce qu’on aime ça et ce qu’on a envie de dire.
Le funambulisme est un moyen d’expression comme un autre.

© Photos : Frédéric Gouallard