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Interview Anta Mukoko : Le basket au Cameroun


Aujourd’hui direction le Cameroun, où on vous présente  Anta Mukoko Mi Lissounga, qui nous fait un état des lieux du basket camerounais et de ses différents projets.

JJ : En premier lieu, présentez-vous, svp.

AM : Bonjour, je suis Anta Mukoko Mi Lissounga, enseignant d’Université dans la vie, et pratiquant assidu de basket impliqué dans diverses activités autour de ce sport (management de club, pratique en amateur, organisation de tournois).

JJ : Pouvez-vous nous parler de votre Structure et du DKC ?

AM : L’Athletic Club Bambat est une association sportive accompagnant des jeunes résidant à Douala dans leur développement personnel via la pratique du Basketball. Ses activités consistent à :
– L’apprentissage et le perfectionnement du Basketball aux jeunes de 10 a 18 ans.
– La participation aux compétitions dans ces classes d’âge.
– La collaboration avec d’autres structures locales en leur fournissant des équipements destinés à leurs projets jeunesse.

Le Douala Kwata Challenge est la première réalisation de l’association Douala Challenge. Cette compétition se déroulant sous forme de championnat et de playoffs regroupe depuis cinq semaines 10 quartiers de la ville de Douala, et voit l’engouement qu’elle suscite grandir de jour en jour. Il permet ainsi de faire rentrer ou revenir le basket dans les maisons, et de découvrir les différents quartiers, en déplaçant la compétition dans un nouveau quartier chaque weekend. Cela remet également en avant la rivalité saine entre les quartiers en faisant jouer les ressorts sportifs et populaires propres à chaque place. On espère que cette première expérience en appellera d’autres. Notre but est de nous installer durablement dans le paysage en proposant fréquemment des projets qui développeront le basketball dans la ville, comme dans l’ensemble du territoire national.

JJ : Parlez-nous de Bonbon TV, svp.

AM : Bonbon TV s’inscrit dans une logique proche de celle de Douala Challenge : offrir une plus grande visibilité au basket camerounais en proposant la diffusion qualitative d’informations sur le sujet par la voie des canaux modernes (réseaux sociaux), et en proposant un traitement exclusif de l’activité basket camerounaise par ses acteurs et pour tous. Bonbon TV va donc sur les différents terrains, de ceux des quartiers avec le Douala Kwata Challenge, ou des compétitions officielles (ligues régionales, et championnat national), à ceux des ligues professionnelles internationales. Bonbon TV souhaite devenir une référence reconnue au niveau national et étranger, par l’information et les innovations qu’elle met en place.

JJ : Vous avez été l’un des organisateurs du célèbre tournoi international Quartier Ouest. Comment le voyez-vous évoluer, depuis votre position au Cameroun ?

AM : C’est avec une certaine fierté, depuis Douala, et beaucoup de plaisir que je vois le Quartier Ouest chaque année devenir plus grand.  L’organisation a su placer la ville d’Hérouville Saint-Clair et la Normandie sur la carte streetball française en gravissant progressivement tous les échelons. La présence le premier weekend de juin dans la ville d’un plateau aussi riche est une belle promotion de la qualité normande, et amène une émulation que les jeunes de l’agglomération caennaise suivront, car ayant la chance d’approcher les nombreux professionnels et internationaux présents au Quartier Ouest. C’est en outre une inspiration pour nous ici, car cela nous motive à reproduire le même succès au Cameroun.

JJ : Comment le basket-ball est-il perçu au Cameroun, quand on sait à quel point le football y est mis en avant ?

AM : Le basketball est perçu avec une certaine curiosité dans la mesure où il semble à la fois assez proche et assez loin dans l’esprit des gens au Cameroun. En effet, le caractère urbain et moderne de ce sport lui offre une certaine représentativité, car on voit les playgrounds se multiplier un peu partout dans les quartiers. Cependant, la population et les médias locaux ne portent pas un intérêt significatif au basketball. Les compétitions officielles locales sont inégales, et ne bénéficient pas d’un rayonnement leur permettant d’attirer le public. De plus, le football reçoit une attention particulière que nul autre sport ne reçoit. Les décisions publiques vont par ailleurs privilégier la santé, et l’éducation qui sont aujourd’hui des priorités pour le développement. Le Cameroun réussit malgré tout cela à produire depuis quelques années avec régularité de brillantes performances sur le plan international (les équipes seniors masculines et féminines de clubs camerounais champions 2016 de la zone 4 FIBA Afrique, les lionnes dans le dernier carré africain en 2013 et 2015), et les joueurs camerounais se font un nom (Luc Richard Mbah A Moute, Joel Embiid et Pascal Siakam titulaires dans leurs clubs respectifs en NBA) à l’international. Le plus amusant, si je puis me permettre, c’est que la majeure partie de la population camerounaise ne suit pas cette actualité.

JJ : Pouvez-vous nous parler de la culture streetball au Cameroun ?

AM : Le streetball comme je le soulignais plus haut a une résonance plutôt grande dans les villes. Chaque quartier a son terrain dans lequel tout le monde se rencontre les après-midis du vendredi au dimanche pour assoir entre guillemets sa domination, mais surtout pour se retrouver à la sortie des cours et du travail. Le streetball au Cameroun a suivi un parcours similaire à celui qu’on voit ailleurs avec l’internationalisation de la NBA au début des années 90, et les JO de Barcelone, ainsi que la découverte il y a un peu plus d’une quinzaine d’années des MixTapes And1. L’amélioration des moyens de communication permet aujourd’hui aux jeunes de réinvestir plus facilement les terrains, avec la volonté de reproduire les actions des joueurs professionnels qu’ils voient à la télévision tous les jours. De nombreux tournois streetball sont de ce fait organisés. Deux évènements retiennent tout particulièrement l’attention ; ‘’The CAMP by No Name’’ à Douala, et le ‘’FestiNoel’’ à Yaoundé, tous les deux se déroulant en décembre.
Le ‘’Douala Kwata Challenge’’ va dans ce sens, tout en revisitant la formule, et en proposant la rencontre des joueurs plutôt sur la forme d’un championnat s’étalant sur plusieurs semaines que celle d’un tournoi de deux jours.

JJ : Ruben Boumtje Boumtje fut le premier joueur NBA en provenance du Cameroun. A-t-il eu un impact sur la jeunesse camerounaise ?

AM : Ce ne fut malheureusement pas le cas. Son séjour en NBA, ainsi que l’ensemble de sa carrière professionnelle en Europe, sont passés inaperçus en dehors du microcosme basket local. Il a bien sûr apporté sa part au basket local par des aides auprès de différentes structures, et en participant à l’AfroBasket. Heureusement, sa draft a eu le mérite de montrer aux autres que le chemin vers la NBA était accessible.

JJ : Pensez-vous que la nouvelle génération de basketteurs camerounais peut apporter un plus au sport et à la jeunesse?

AM : Ces trois joueurs en tant qu’émissaires de la NBA vont forcément contribuer à pousser le basket camerounais et la jeunesse camerounaise dans la bonne direction. Il faut d’ailleurs rappeler que Mbah A Moute est le premier joueur issu du programme NBA Basketball Without Borders et qu’il organise depuis une demi- douzaine d’années des camps NBA au Cameroun ; camps qui ont entre autre permis aux observateurs internationaux de découvrir le jeune joueur de Kossengwe Basket de Yaoundé, Joel Embiid. Ce sont trois professionnels qui de par leurs attaches au Cameroun (Onyx de Yaoundé, Kossengwe, et Snoup Basket de Douala) vont certainement contribuer à promouvoir le basket local. Leur réussite, ainsi que celle d’autres basketteurs camerounais à l’étranger (Kenneth Kadji, Gedeon Pitard, ..), permet surtout de conforter les jeunes joueurs et leurs encadreurs dans cette voie de travail, en les poussant à continuer à bosser, car ils voient que c’est payant.

JJ : Y a-t-il de nouveaux phénomènes au Cameroun, qui pourraient se retrouver en NBA par la suite ?

AM : Bien sûr. De jeunes camerounais évoluant dans les championnats U16 et U18 locaux, montrent des dispositions intéressantes. On espère que leur progression leur permettra également d’accéder à des carrières prometteuses pas seulement en NBA, mais également dans les clubs de Pro A, ACB, Lega, Bundesliga, etc.

JJ : Quel parcours est possible au Cameroun, pour un jeune qui rêve de haut niveau ?

AM : La première chose est de se rapprocher des clubs le plus tôt possible pour acquérir les fondamentaux dans un premier temps, et participer aux compétitions régionales et nationales dans un second temps. De plus, la NBA a par le biais de Basketball Without Borders mis en place un parcours ouvert aux  jeunes joueurs via les camps régionaux et le camp national annuel de Yaoundé, offrant aux plus prometteurs de nombreuses opportunités, à commencer par celle de la participation au Camp africain avec les meilleurs de leur classe d’âge. La Fédération Française de Basketball s’inspirant du modèle américain, est en train conclure un partenariat avec la Fédération Camerounaise de Basketball. Les clubs de leur côté s’associent à des structures étrangères, en Europe et ailleurs pour travailler au développement de leurs jeunes joueurs. La création de la toute récente Continental Basketball League regroupant, championnat copiant le modèle NBA, et regroupant des équipes du Nigeria, Cote d’Ivoire, Gabon et Cameroun, est une nouvelle opportunité à saisir. La réussite académique offre aussi l’accès, certes moins direct, à l’étranger. Cependant, le parcours de tout un chacun n’étant pas linéaire, il s’agit maintenant de faire les bonnes rencontres, et d’avoir, ma foi, un peu de chance.

JJ : Comment sont organisés les championnats au Cameroun ?

AM : Les 10 régions camerounaises organisent chacune leurs activités régionales dans les différentes catégories et classes d’âge, de manière à qualifier leurs meilleures équipes aux compétitions nationales : championnats nationaux senior, juniors, masculins et féminins, et éliminatoires de la Coupe du Cameroun. Il existe cependant une forte hétérogénéité entre les ligues dans les moyens comme dans le capital humain. On constate en effet que la majeure partie des ligues pour les raisons évoquées ci-dessus ne peuvent qu’organiser des regroupements permettant à leurs équipes d’accéder au niveau national, quand d’autres proposent des championnats compétitifs. Ainsi, les ligues du Centre, du Littoral, de l’Ouest, du Sud-Ouest, et du Nord-Ouest sont les plus en vue, la ligue du Centre  faisant office de locomotive, avec 25 centres de formation, 2 divisions seniors messieurs, et un championnat senior dames de qualité.

Le championnat Elite  1 Senior est la vitrine nationale permettant aux meilleurs locaux d’obtenir des strapontins pour l’équipe nationale, et l’étranger. Le tournoi annuel universitaire propose également un très bon niveau de basket, et une exposition conséquente à ses participants.

JJ : Trouvez-vous des inconvénients concernant ces championnats ? Si oui, voyez-vous des solutions pour mieux le développer ?

AM: Les problèmes organisationnels sont encore trop nombreux. Le manque de financement ne permet pas par ailleurs de donner l’élan nécessaire à la multiplication des bons résultats. Toutefois, les acteurs locaux sont tous des parties prenantes ayant la capacité de tirer ce sport vers le haut. A ce titre, il est nécessaire de tous apporter dans un premier temps une meilleure visibilité au basket, pour attirer dans un second temps, le public et les partenaires sans qui rien n’est possible. L’hétérogénéité des championnats régionaux pose en outre un problème, car elle remet en question la compétitivité nationale, en nivelant la performance globale vers le bas. Il faudrait réfléchir aux formules adéquates qui permettront à la fois de faire participer le plus grand nombre, mais également de pousser l’ensemble dans un même sens pour un basket plus riche et plus performant.

JJ : Comment évolue la sélection nationale du Cameroun ? Quels sont les enjeux de la fédération pour le Basket-Ball ?‌

AM : Les enjeux sont importants. Les dames ont montré depuis quatre ans qu’elles auront un rôle majeur à jouer dans la lutte pour la première place africaine. Elles se rapprochent chaque année de leurs principales concurrentes (Sénégal, Angola, et Nigeria). Leur présence en finale de l’AfroBasket 2015, et la domination camerounaise dans les compétitions de la Zone 4 de FIBA Afrique sont des éléments sur lesquels on s’appuie pour progresser. Les messieurs maintiennent leur présence dans le premier tiers africain, et la fédération travaille au quotidien à l’amélioration de cette position, pour retrouver le chemin des finales africaines que l’on n’a malheureusement plus entrevu depuis 2007.